Magazine Journal intime

Embuscade (2)

Publié le 13 janvier 2009 par Stella

rebellion.1231870022.jpgDiscuter, pour le capitaine Samba, signifie exposer doctement son point de vue sans être interrompu de façon intempestive. Lorsque l’interlocuteur a la kalach’ posée sur la tempe, c’est impeccable. Le contact du métal, sans doute… Comme ce genre d’exercice se révèle fatigant, à la longue, il dût recourir aux services de Luigi, un brave gars pas trop agité. Naïki, par exemple, est incapable de rester tranquille. On ne peut même pas être sûr qu’il ne va pas appuyer sur la détente sans faire exprès, jusque parce qu’il a la bougeotte et qu’il ne contrôle pas ses propres doigts.

Le capitaine Samba s’employa donc à discuter avec ses deux visiteurs, posément, tranquillement, à l’aide du bon Luigi. Deux magnifiques heures s’écoulèrent, au cours desquelles il exposa ses griefs contre le pouvoir en place, responsable de tous les maux d’ici et d’ailleurs, incapable de trouver des solutions alors que lui, à son modeste niveau, avait des idées aussi nombreuses que les grains de maïs dans un sac de 50 kilos pour nous sortir du trou. Il s’écoutait parler, fasciné par sa propre parole, regardant les mots s’écouler les uns à la suite des autres pour former des phrases, un discours lourd d’un sensque lui seul, capitaine Samba, était capable de concevoir. Il se sentait maçon au pied d’un mur, additionnant les briques et les scellant d’un bon mortier. Il voyait l’édifice de son raisonnement monter sous ses yeux. Instant magique.

Les visiteurs, figés de frayeur dans un premier temps, avaient commencé par l’écouter attentivement. Le temps passant, leur attention s’était relâchée. Avec prudence, la femme détaillait les lieux. Dos à la voiture, elle avait compris qu’il ne se passerait rien de grave. Cet olibrius avait trop envie de faire un tour dans le 4 x 4 pour risquer de l’abîmer par un geste inconsidéré. Son copain, en revanche, semblait plus incertain. Encore qu’il devait certainement se traîner une bonne myopie pour être obligé de plisser des yeux si souvent. Le jeune en gants de boxe apparaissait inoffensif. Le seul problème, finalement, c’était ce grand gaillard plein de tic qui ne tenait pas en place. Un drôle de camé, c’est sûr. Un fou dangereux.


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