Me balader, c'est emprunter un chemin de pardon escarpé et jalonné d'obstacles jusqu'au Golgotha surplombant une vallée cultivée à l'extrême. J'aime cet itinéraire, car je suis sûr de n'y croiser personne. J'entame le chemin de croix et jette un regard sur chaque étape... De grosses bûches servent de tabourets aux pèlerins qui respectent le carême. Ils ont déposé au pied d'énormes pierres en granit, des plaques d'ardoise sur lesquelles on peut lire le récit de la Passion.
"Jésus est condamné à être crucifié" est la première étape qui refroidit les randonneurs déboussolés et les vététistes du Dieu GPS.
Je m'enfonce lentement dans le bois, tête baissée, dos voûté, comme écrasé par l'ombre des arbres et le poids de l'air humide. Parfois, j'aperçois un Kaway au loin, je rebrousse alors chemin tel un mystérieux Salaün Ar Foll qui ne mendierait rien d'autre que la tranquillité.
Là haut, les paroissiens ont érigé une croix sur un socle en béton d'une laideur peu commune. Je franchis une barrière d'or formée d'ajoncs, je ressens sur la peau de brefs et délicieux vaccins de nostalgie... Un sommier en grès m'attend sur une moquette d'herbes sauvages. Avant de m'y allonger, je contemple le jeu d'échecs des prairies et des champs, le tracteur noir vient de faire "g1 + f2"...