Dans ma tête passe en boucle l'image de mes mains entrain d'ôter le couvercle de plastique. Je sens sur ma langue le contact du riz en paquet, du poisson gras et des lamelles de gingembre. Mais je n'ai guère le courage d'affronter l'idée de l'odeur qui emplira le wagon, directement exhalée de ma bouche. En fouillant dans mon sac pour trouver un chewing-gum j'imagine les regards vaguement courroucés du barbu et de la fille. Je dirais "Excusez-moi, j'avais trop faim" et un postillon gélatineux ira s'accrocher dans le lainage de l'écharpe verte.
Illustration : Ray Caesar