Choisir

Publié le 15 janvier 2009 par Anaïs Valente


Elles étaient six.  Six soeurs.  Elles vivent dans le Sud de la France, là oùsqu'on crée des parfums.  Une famille heureuse.  Tout simplement.
Un jour, la cinquième d'entre elles tombe malade.  Cancer.  Seins ou ovaires, voire les deux, je ne m'en souviens plus.  Mais elle est malade, et c'est grave.  La quatrième suit le même chemin.  Puis trois autres encore.  Une seule survivante.  Une seule échappe à ce qui semble être une malédiction familiale.  Leur mère avait été frappée également, leur tante, leur grand-mère.
Une malédiction qui a changé de nom grâce aux progrès de la médecine, pour devenir une prédisposition génétique.  Héréditaire.  Pour les filles atteintes de ce vilain pas beau mesquin gène, cela signifie 70 % de "chances" d'être atteintes du même mal au cours de leur vie.  Mais pas en fin de vie.  Presque là où elle commence, leur vie : à la trentaine. 
70 % de "chances".

Comment vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête, lorsqu'on est née fille dans cette famille ?
Agnès était l'une des six.  Elle est décédée en 1999.  Elle n'aura pas vu l'an 2000.  Mais ses trois filles l'ont vu.
Trois filles.
La malédiction va-t-elle continuer ?
Se pose alors tellement de choix pour ses filles, qui ont la chance que n'ont pas eue leurs aïeules : savoir, comprendre, prévenir plutôt que tenter de guérir.  Faire un test génétique.  Et si elles sont porteuses de la malédiction génétique : agir.  Enlever.  Tout, ou presque.  Ovaires.  Seins.

Premier choix donc : faire le test ou pas.  Savoir ou pas.  Vivre dans la crainte d'être atteinte de la malédiction.  Ou vivre dans l'espoir de ne pas l'être.  Vivre sans savoir.  Ou vivre en sachant.  Soulagement ou angoisse permanente.
Sur les trois soeurs.  Deux ont fait le test.  L'une est atteinte, l'autre pas.  L'une a deux fils, l'autre deux filles.  Le vilain destin a cependant voulu que celle qui soit atteinte soit celle qui ait des filles.  Qui courent dès lors le même risque.  Et c'est reparti pour un tour de manège.  La troisième soeur se tâte encore, à l'aube de sa trentaine.  On la sent cependant prête.  A savoir.  A agir.
Second choix : agir ou pas.  Laisser faire le destin, attendre d'être victime, ou pas, des 70 %.  Ou tout enlever, pour réduire drastiquement le risque.  Un choix crucial mais ô combien difficile.  Un choix que l'on sent influencé par la présence enfantine : peut-on courir un tel risque de ne pas voir grandir ses enfants ?
Dernier choix : faire des enfants ou pas, en sachant que la malédiction se transmet de mère en fille.  Elles ont toutes fait ce choix.  Choisir la vie.  Avancer.  Coûte que coûte.  Advienne que pourra.
Les progrès, pour elles, sont une bénédiction.  Leurs filles, si elles sont atteintes du mal, pourront procéder à une sélection embryonnaire, afin que cesse à tout jamais cette malédiction et qu'elles ne la transmettent plus.
Enfin.
"La vie à tout prix". Vu sur Arte.  40 minutes de la vie de ces femmes.  Bouleversant.