A quoi tu P... ?

A quoi tu penses ? A rien, tu vois. Oui mais tu penses quand même ? Quand même, non ! Je traîne dans le fourbis de ma tête, je compte les présents, les absents, les évadés, d'un soupir je tente de colmater les brèches, cette fissure m'inquiète, depuis le temps. Depuis le temps que j'étais gamin, elle devrait ne plus tant se voir. Tu penses à toi petit alors ? Non, enfin peut-être, on finit toujours par être sa propre punition, son expert-comptable en erreurs et dépôts de bilan. Gamin, je jurerai que je ne l'ai jamais été pas plus que nouveau-né non plus que toutes ces strates darwineuses d'évolution à la renverse.

Tenez j'ai un livret A, depuis 1984, c'est vous dire si je suis fiché auprès de tous les services que l'on veut à tout prix me rendre. Là, ce matin j'apprends par voie de presse que l'on va me le changer en peau de chagrin, en livret A-. Alors A+ ! me dit la guichetière. Qu'est-ce que je faisais en 1984 ? J'écrivais une oeuvre de fiction qui devait s'intituler : 1948. L'action se passait dans un monde concentrationnaire où la planète était divisée en trois entités continentales. Mon Héros, appelons le Wonsteen peu à peu découvrait que le monde dans lequel il vivait, en adéquation morne avec le réel qui se bornait à fournir aux enseignes de la grande distribution des listing's de chalands potentiels, n'avait qu'un seul but ... Et que ce dernier passait pour arriver à ses fins par la destruction organisée du livret A. C'était je me souviens, assez visionnaire. Et quand j'ai eu fournit, à mon éditeur de l'époque un manuscrit pour une première validation, il le retoqua : Tu comprends, il faut un minimum de véracité ! quelque chose à quoi le client puisse se raccrocher et là ton histoire de postier désabusé ... Tu m'excuses !

Oui mais tu penses à quoi ? A 1984 dont je ne garde aucun souvenir. Aucun souvenir d'avoir été autre que la probabilité d'un quelqu'un de nouveau. Une sorte d'affranchis, un marron tiré du feu quelconque de figurer. Quelqu'un qu'aucun état civil n'aurait poussé à se comporter en fouineur d'épaves. Mon passé est une chambre vide dans une tête creuse à charge.

"Tu ne dis jamais rien", léo Ferré.