La sonnerie du téléphone coupe sa rêverie. Pascal. Elle s’étonne. Il n’appelle jamais. Les conversations durent toujours plus longtemps qu’un texto rapide. L’efficacité, toujours. Elle souhaitait sa voix, tout à l’heure. Mais elle craint presque de décrocher, maintenant. Que va-t-il lui dire ? Elle fuit la discussion éventuelle. Ses raisons restent floues. L’hésitation tend son fil de funambule. Pourtant, elle s’étonne. Oui, elle s’étonne.
La sonnerie cesse. Le jardin se vide. La fin d’après-midi étire lentement ses effluves sucrés. Armance distingue les ruches bourdonnantes. Les abeilles s’affairent, insensibles à la beauté du monde. D’une fleur à l’autre, sans états d’âme, elles butinent, cherchent dans les pétales colorés la sève nourricière. Certaines décollent du ponton de bois. D’autres reviennent, les ailes chargées d’or. Elle pense aussi à toutes celles qui disparaissent, gobées par une pie, dévorée par une araignée, noyées par une averse rapide. Elles sont parties comme les autres, sans retour. Mais personne ne s’en préoccupe, elles ont suivis la routine jusqu’au bout. La route s’arrête.
Le téléphone récidive. Elle sursaute, cette fois. Pascal toujours. Les premières lueurs du soir se déchirent, sur l’horizon mixte des toits de zinc et des cimes des marronniers en fleurs.
Elle décroche, en portant lentement l’appareil contre son oreille.
« Allo ? ».