Hier soir, j'ai accueilli à la maison ma copine Manue. Qui est-ce ? Une amie que je m'étais faite en licence d'anglais, désireuse comme moi d'être institutrice. Elle a réussi ? Oui ! C'est tout neuf de cette année ! Après un échec l'année dernière, elle s'était décidée à passer le CRPE dans la plus grande académie de France et l'a obtenu avec brio ! Cette année, elle entre donc en PE2 ! Oui. Du coup, je lui ai filé quelques tuyaux, autour de boissons et de petits gâteaux... Une charmante façon de travailler !
Elle est arrivée complètement stressée, avec plein de questions. Elle appréhende cette rentrée... Tout comme moi l'année dernière. Et à vrai dire, en la voyant, il me semblant me voir moi, il y a douze mois : la même crainte de ne pas être à la hauteur, la même peur face aux exigences de l'IUFM et de la charge de travail importante. J'espère que tu l'as rassurée... Si tu as réussi à être validée, pourquoi pas elle ? C'est exactement ce que j'ai dit ! Je lui ai sorti tous mes classeurs : fiches de prep, fiches de séquence, idées d'activités pour les petits, dossier du séminaire Maternelle... Nous avons comparé ensemble mes fiches de prep' du début d'année (à l'ordinateur, bien léchées et très très très détaillées) à mes fiches de prep actuelles, plus économiques et plus synthétiques. Je lui ai montré mon cahier-journal et lui ai expliqué mes choix, tout en précisant bien que ce n'était qu'une façon de faire et que je ne prétendais pas que ce soit la bonne ! En résumé, vous avez épluché tout ton travail...
J'ai parlé, parlé, parlé. Je me suis entendue évoquer les petits, les rituels, la gestion des ateliers, la motricité, les temps de langage... Je me suis entendue parler des stages de trois semaines, des visites d'aides, des permanences IMF... De la fatigue... Tu n'as pas dû la rassurer tant que ça, je crois... Détrompe-toi ! Même si j'ai eu par moments la sensation de lui faire peur (en particulier qu'il ne fallait rien attendre de l'année de PE2, à part les stages...), je crois avoir réussi à lui faire dédramatiser cette année de formation en lui répétant, encore et encore "que de toute façon, on fait ce qu'on peut, et on y arrive, y'a pas le choix !". Elle a opiné du chef : "En gros... On se débrouille comme on peut ?". Elle a tout compris, cette petite !
- J'ai trop peur de faire des conneries...", m'a-t-elle dit. Je lui ai alors raconté ça, et puis ça, et je me suis surprise à en rire comme si je racontais une bonne blague. L'eau a coulé sous les ponts... D'autant plus que je sais que des conneries, j'en ferai d'autres. Il faut juste essayer de mieux les vivre et de ne pas s'écrouler dès qu'elles pointent le bout de leur nez... Je lui ai aussi raconté l'épuisement, le sentiment d'impuissance... Oh la la !! Tu es certaine que c'est ce qu'il fallait dire ? Et j'ai tout de suite enchaîné sur le plaisir d'être en classe, sur la joie de retrouver les gamins le matin. Le contact avec une équipe sympa, les remarques surprenantes des gosses, les questions auxquelles on n'avait pas pensé... Je lui ai parlé de l'envie, qui reste, malgré la fatigue, de l'émotion des derniers jours, de la gorge serrée quand on ferme la classe pour la dernière fois. Et ça a eu l'effet escompté ? Oui. Soudain, au lieu d'une lueur de peur, j'ai vu dans ses yeux l'enthousiasme, l'impatience, la passion. J'ai tenu à lui dire que je n'étais pas encore partie bien loin moi-même mais que je pouvais tout de même constater des progrès, par petites touches. Qu'être validée n'avait pas fait de moi la maîtresse qui sait tout faire, non, juste une jeune instit' consciente qu'elle a encore tout à apprendre.
Quand elle est partie, des classeurs et des dossiers plein les bras, en me remerciant d'avoir papoté de tout ça avec elle, j'étais fatiguée. Avec la gorge sèche. Je me suis rendu compte que j'avais parlé, parlé, parlé... J'étais toute émue de me dire qu'elle allait faire sa PE2, comme j'avais fait la mienne. "Est-ce que l'année passe vite ?", m'a-t-elle demandé. Je n'ai rien trouvé de mieux à répondre que "oh oui, bien sûr, je ne l'ai pas vue filer !". C'est un lieu commun mais... C'est tellement vrai ! C'est drôle, Victor... Il suffit de peu de choses pour faire un pas en avant. A quoi penses-tu ? J'avoue que jusque là, je me sentais encore PE2. Stagiaire. Mais la visite de Manue... T'a fait prendre conscience que tu avais pris du recul par rapport à tout cela ! Oui. Etablir un bilan de tes stages, peser le pour et le contre de cette formation t'a certainement aidée à réaliser que tu étais passée à l'étape suivante : la T1 ! Oui. Je ne me sens plus PE2, désormais. J'ai laissé le mémoire, les stages, les cours à l'IUFM derrière moi, et je suis prête à écrire un nouveau chapitre de ma carrière. Le premier qui soit réellement le premier, si je puis dire...
Du coup, je déclare officiellement ouverte la catégorie "Mirabelle, maîtresse T1" !