Le silence résonnait

Publié le 18 janvier 2009 par Unepageparjour

Début d'Armance Desnoizel

Le silence résonnait dans la pièce. Même la mouche avait stoppé sa course sur le vase. Les orchidées rangeaient leurs bouches provocantes. Les trompettes, muettes, attendaient le signal des hérauts d’armes. Les étendards s’étaient figés dans l’air du soir.

Mais ...

Des corbeaux, arrivés par centaines, fouillaient le sol meuble de leur bec acharné. Il était parti. Je restais seul sur le champ de la bataille, au milieu des morts et des cris des blessés. Dans cette errance, aveugle, je me cognais aux troncs des arbres abattus, je traversais des chemins de cendres, je tombais dans des flaques de boue.

Pascal, pouvez-vous retirer vos chaussures ? me dit-il soudain.

Je tressaillais. Alors, lentement, je me baissais pour délier mes lacets. Je tirais un peu fort sur le double nœud pour libérer la fine lanière. Mais les boucles restaient rebelles. Je n’osai pas lever mes yeux, de crainte de devoir défier son regard. Ma nuque me tirait. Des sueurs criaient sur ma peau.
Debout, en chaussettes sur la moquette du bureau, j’écartais les bras, sans comprendre. Je faisais quelque pas. J’allais jusqu’aux fenêtres. Il restait muré dans son silence.

Pascal, pouvez-vous retirer vos chaussettes ?

Je m’exécutai. Que pouvais-je faire ?

C’est bien ce que je pensais ! J’avais pensé à vous Pascal, mais vous avez six orteils à chaque pied !

Malgré les restes de soleil qui planaient sur le ciel, je ne voyais qu’une nuit épaisse, qui m’entourait sans fin. Je quittais le bureau, mes chaussures en main, nu pied, à tout jamais. Je ne reviendrai plus.