Ces années-là, il y avait eu un hold-up dans la banque en face de notre maison et c'était une première (et une dernière) dans ce village.
Ces années là, tu t'étais rompu le poignet en jouant dans une cour pleine de gravillons.
Ces années-là, tu avais entrepris de faire oeuvre de patience pour apprendre au petit frère à jouer au foot. Nous eûmes d'interminables entraînements au cours desquels, sans relâche, tu me faisais faire et refaire le même geste. Je devins un spécialiste de la reprise de volée. Tu m'avais pris sous ton aile.
Ces années-là, la voisine me faisait des Paris-Brest et avec les copains, on allait jouer dans un entrepôt où la commune stockait les confettis des 14 juillet à venir.
Puis il y eut le déménagement et la nouvelle maison. Nous eûmes chacun notre chambre. Chacun une grande chambre. Puis il y eut ton départ et tes études dans une autre ville. Cela ne t'empêchait pas, le dimanche, de me tirer du lit à 5 h du matin pour m'amener cueillir des champignons. Des roses des prés.
Je me mis à aimer Maxime Le Forestier, et notamment la chanson Mon Frêre.
Je viens seulement de comprendre. J'écoutais cette chanson non pour ce qu'elle disait mais pour la nostalgie qu'elle porte. Les années qui suivirent, tu ne fus pas le frère que je n'avais pas eu mais bel et bien celui que je n'avais plus et que je boudais, perdu dans ce monde immense. Je t'ai tellement cherché et tellement attendu.
Je sais, maintenant, que tu n'es jamais parti. Que je ne t'ai pas perdu. Je le croyais, c'est tout.