La dette du père Noël

Publié le 24 décembre 2008 par Cochondingue


La première victime du petit Lénine n'était pas le père Noël, quoiqu'en disent les historiens.
Même si tout document relatif à cette époque a été détruit des archives familiales, moi je me souviens.
Vers l'âge de 5 ans, mon frère Lénine avait pensé arnaquer la petite souris en s'arrachant lui-même les dents, mais en y réfléchissant bien l'opération s'avérait trop douloureuse et il avait décidé de péter plutôt celles de ses camarades de classe.
Chaque semaine il exhibait tantôt une molaire, tantôt une canine à des parents tout émus et légèrement naïfs (au bout de 83 dents, ils auraient pu se douter de quelque chose).
La stratégie s'avéra juteuse jusqu'à ce que ma famille soit convoquée par le directeur de la maternelle. Lénine, accusé de coups et blessures sur de pauvres gamins édentés, s'était défendu en plaidant une vocation précoce pour le beau métier de chirurgien-dentiste. Mais personne n'était dupe et après ce triste épisode de délinquance juvénile, la petite souris ne nous déposa plus jamais de pièces de 10 francs sous l'oreiller.

Il ne restait plus que le père Noël à racketter.
J'avais beau essayer de le convaincre que nous avions suffisamment de jouets, Lénine en voulait toujours plus. Il se revendiquait capitaliste par esprit de contradiction, rejetant toute une éducation basée sur l'idéal communiste.
Ce n'était pas quelques misérables cadeaux qu'il lui fallait, mais toute la hotte du père Noël. Il a bien sûr pensé à l'attaque du traîneau, au kidnapping avec rançon, à la strangulation, ou à la superglue dans la cheminée. Tous les moyens étaient bons pour détrousser le vieux barbu.
Alors moi, je m'échinais à contrecarrer ses projets. Moi, le justicier blanc méconnu.
Hélas, ô injustice de l'acte glorieux mais anonyme ! Personne ne m'a jamais remercié d'avoir sauvé le père Noël. Aucun enfant n'a un jour, les yeux émus de gratitude, tendu les bras vers moi en bénissant mon courage et ma témérité.

Je voulais sortir de l'ombre et plus que tout je voulais ma récompense de petite fille modèle, alors chaque année j'écrivais :

"Cher papa Noël, vu que je vous ai encore une fois sauvé d'une mort certaine, j'estime qu'un geste de reconnaissance (quelques centaines de barbies par exemple) serait une compensation légitime à mon acte de bravoure."

Mais ce vieil ingrat restait insensible à mes doléances. J'aurais dû le laisser s'engluer dans notre cheminée. Fieffée charogne...

Je vous souhaite de joyeuses fêtes, moi j'ai un petit compte à régler...
Je pense à vous et je vous aime !