La nuit de Varennes

Publié le 20 janvier 2009 par Corcky

Ami lecteur, tu l'auras sûrement remarqué, on te prend pour un gros con.

Tu me diras que ce n'est franchement pas nouveau et qu'aussi loin que puissent remonter tes souvenirs, tu as toujours eu l'impression qu'on te prenait pour un gros con.
Et pour étayer cette affirmation, tu me feras remarquer avec beaucoup de justesse que bien avant Nicolas Sarkozy, il y avait eu Chirac qui piquait dans la caisse et s'en mettait plein la panse, Mitterrand qui faisait fructifier sa petite graine secrète aux frais du contribuable, Giscard et les diamants de Bokassa, les indemnités des parlementaires, l'appartement de fonction du président du Sénat, et tutti quanti.

Et tu auras raison.

N'empêche.
N'empêche, cher lecteur.
Je te mets au défi de trouver un message gouvernemental plus méprisant, plus débilitant, plus affligeant que les deux spots de pub (payés avec tes deniers, faut-il te le rappeler?) récemment diffusés par le Ministère de l'Intérieur.

Si je résume ce que je vois sur l'écran, et que je décode le message que les communiquants de MAM ont été chargés de concocter à ton intention, tu dois donc être un abruti congénital, non, attends, plutôt un sinistre connard de Français moyen forcément trépané du bulbe, vaguement apparenté à un léopard en peluche doté d'un quotient intellectuel frisant la température ambiante, pourvu d'une épouse ressemblant à un panda miteux, tout aussi conne que toi bien entendu, et tellement à la ramasse qu'il vaut mieux s'adresser à toi comme à un enfant trisomique pour être bien sûr que l'information parvienne à circuler entre les deux ou trois neurones qui surnagent péniblement dans l'immensité abyssale de ton liquide céphalo-rachidien.

L'un des avantages de ce genre de spots officiels, c'est qu'ils ont le mérite de nous montrer sans détour l'opinion que ceux qui nous gouvernent ont de nous autres, les cons-citoyens.
Nous, les crétins de contribuables attardés qui crachons au bassinet sans broncher pour renflouer les banques, nous les joyeux imbéciles qui regardons passivement s'évaporer l'indépendance toute relative de la justice, nous les andouilles congénitales qui constatons bovinement, entre deux épisodes de Julie Lescaut, qu'on est revenus au bon vieux temps de l'ORTF.

Oui, bon.
Quelque part, on peut vaguement comprendre d'où vient cette haute estime dans laquelle le gouvernement nous tient.

Rêvons à présent d'une campagne populaire tout aussi dégérénée, d'une vidéo semblable à celles proposées par le gouvernement, elle aussi filmée avec les pieds par un cocaïnomane en pleine crise de délirium tremens et peuplée de peluches hystériques, mais qui ne coûterait cette fois rien au citoyen français de base.

Plutôt que de mettre en garde les débiles mentaux qui votent encore UMP contre les éventuelles arnaques dont ils pourraient être les victimes, cette campagne de pub annoncerait une sorte de remake gore et jouissif de la mythique Nuit de Varennes, avec intervention pathétique d'Henri Guaino en Axel de Fersen essayant de déguiser Jean et Pierre Sarkozy en filles (ce qui serait moins compliqué qu'avec Louis XVII, vu que les rejetons Sarkozy ressemblent déjà vaguement à deux minettes décérébrées), fuite de la famille impériale élyséenne en Air Force One Airbus tout pourri, arrivée d'un plantigrade héroïque en guise de Garde Nationale révolutionnaire, baston épique et, pour finir, rouste magistrale reçue par un Président de la République transformé en lapin blanc par la magie des effets spéciaux.
Avec, en guise de message global, un genre de Casse toi pôv' con franc, massif et direct.

Bon, évidemment, c'est n'importe quoi, et tu te demandes, à juste titre, si je n'ai pas, moi aussi, abusé des substances illicites et néanmoins euphorisantes si prisées par notre vénéré Président.

Je te répondrai que cette vidéo existe bel et bien.

Bien sûr, vu le manque de moyens, tu peux oublier la fuite en Airbus, les costumes d'époque, les guest stars de l'Elysée, la cocaïne présidentielle et les décors grandioses.
Reste les peluches sous acide et la raclée mémorable.

Ce qui n'est, somme toute, pas si mal.