Il y avait un jour trois jeunes médecins qui se trouvaient dans un hôtel. Ils causèrent ensemble de leur art, puis, à la fin du repas, ils décidèrent de se réunir au même lieu, dans un an, pour constater les progrès qu'ils se promettaient d'accomplir.
Ils tinrent parole. Au bout d'une année, ils étaient à la même table et se demandaient les uns aux autres si leur science avait grandi.
Moi, dit l'un, je puis me couper la main ce soir, dormir toute la nuit, et la remettre à sa place demain matin.
Moi, dit l'autre, je peux faire mieux encore : je me tirerai un œil, je le poserai dans une assiette, je dormirai toute la nuit, et je le remettrai à sa place demain matin.
Moi, dit le troisième, je peux faire mieux encore : je m'arrache les entrailles, je les laisse dans un plat, je dors toute la nuit, et je les remets à leur place demain matin.
A l'œuvre, cria le premier : je me coupe la main !
- Et je me tire l'œil !
- J'enlève mon ventre !
- Et vous, dirent-ils à la bonne, gardez-nous cela avec soin pour notre réveil.
Malheureusement la bonne était très étourdie. Elle laissa le chien entrer dans la cuisine, et le chien mangea la main, l'œil et le ventre. Lorsqu'elle s'aperçut de sa faute : "Que faire, pensa-t-elle en se lamentant, que faire ? Le chien ne me les rendra pas !"
Elle se rappela qu'il y avait dans le voisinage un pendu. Elle courut lui couper la main. Puis elle tira l'œil d'un chat ; puis elle enleva les entrailles d'un porc qu'on venait de tuer. Enfin elle déposa ces objets auprès du lit des trois médecins.
Les trois médecins s'éveillent. Ils reprennent ce qu'ils croyaient leur appartenir, et se séparent joyeusement, en se donnant un nouveau rendez-vous, au bout d'un an.
Le temps fixé s'écoule. Ils se retrouvent ensemble au même hôtel.
- Elle va bien, mais elle a une tendance très drôle à saisir tout ce qui n'est pas à moi.
- II est excellent, mais je ne sais pourquoi il voit mieux la nuit que le jour.
Et tes entrailles ?
- Elles fonctionnent parfaitement, mais...
- Mais... je vous dirai cela à notre prochaine rencontre.
Conte type N° 0660 selon la classification internationale Aarne & Thompson, "Publié par François DUINE, sous le pseudonyme H. de KERBEUZEC, dans la revue Il précise : les trois médecins, les transplantations fabuleuses"
L'Hermine N° 24.1901.
Olivier, domestique, originaire du pays de Saint-Brieuc, avait conté les histoires qui suivent au pays de Saint-Malo, dans la ferme du Bois-Oran. Elles m'ont été redites gracieusement par Mlle Joséphine Baslé, qui les y avait entendues.