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les célébrités qui ont partagé ma vie

Publié le 22 janvier 2009 par Audine

Mtislav, qui a partagé sa boite aux lettres avec Charlotte Rampling, me demande, sous peine de malheurs arrivant sur moi pendant 7 générations comme perdre la deuxième chaussette dans le lave-linge, marcher dans des fientes canines du pied gauche ou être atteint d’aérophagie au moindre chewing gum prémaché, de narrer une rencontre avec une célébrité.

Dussé-je dévoiler un pan de ma vie privée, je peux raconter comment des célébrités ont vécu avec moi.

Cependant, afin de respecter leur intimité, je nommerai ces célébrités par des initiales.

La première célébrité qui a partagé ma vie était un militant politique.

Appelons le JC.

Il n’était pas facile à vivre.

Tout d’abord, il avait un truc avec ses pieds. Il refusait de porter des chaussures, et je devais constamment passer derrière lui pour nettoyer les sols. Il allait même voir des prostituées pour qu’elles lui lavent les pieds, parfois avec leurs cheveux. Il me disait « si tu n’avais pas les cheveux si courts aussi».

Son look aussi pouvait poser problème, dans certaines circonstances. Ah ça ! il ne voyait pas souvent le coiffeur ou le barbier !

Mais son principal défaut était tout de même la pingrerie. «Femme » disait il, parce qu’il savait être un peu grandiloquent parfois, « femme, nul besoin de dépenser tant de deniers » - il avait du mal à s’adapter au système monétaire – « pour quérir du pain ». « Surtout qu’au boulanger du coin, il est particulièrement dégueulasse » ajoutait il souvent, car il ne manquait pas de pragmatisme.

Il faut reconnaître que nous en avions en quantité suffisante, cependant, je ne sais pas du tout comment il arrivait à les multiplier.

« Femme, suis l’exemple de ma mère » me conseillait il.

Il avait une adoration forcenée pour sa mère, même s’il l’envoyait promener parfois sèchement. « Mère, laisse-moi accomplir mon destin » lui disait-il lorsque qu’elle s’inquiétait de ce que ses copains n’étaient peut être pas si fiables que ça. Vous savez, comme sont ces mères là. Elle le regardait avec des yeux énamourés, et me confiait « Déjà tout petit, il s’échappait et on le retrouvait à faire la leçon aux adultes, et surtout, déjà, aux commerçants ». Il avait gardé cette idée fixe d’ailleurs, et vitupérait souvent contre l’ouverture dominicale.

Au fur et à mesure du temps, c’est devenu impossible entre nous, il travaillait vraiment trop.

Et que je vais voir un paralytique par ci, et que je vais à des noces par là, et que j’escalade des montagnes pour aller faire des discours, et que je monte un syndicat pour défendre les pêcheurs, toujours à droite et à gauche. Il aurait du monter une agence de voyages.

J’ai donc envisagé une séparation que je lui ai présentée comme provisoire. Je lui ai dit « Encore un peu, et vous ne m’aurez plus sous les yeux, toi et tes copains, et puis encore un peu, et vous me verrez » et je lui ai aussi dit « je te donne ma paix ».

Il a très bien pris la chose et c’est ainsi que nos chemins se sont éloignés.

En fait, peu de temps après, il est mort prématurément. Je crois qu’il a eu des ennuis judiciaires, dans lesquels plusieurs de ses copains étaient plus ou moins impliqués, il a été condamné, et je n’ai plus eu de nouvelle.

Comme quoi, les mères ont toujours raison.

Après, pour changer radicalement de type d’homme, j’ai vécu avec un sportif.

Appelons le P.

Il n’était pas facile à vivre.

C’était un homme pas très beau, mais avec un corps d’athlète, qu’il entretenait avec force exercices de musculation. J’avais du mal à concevoir qu’un homme aussi sportif fume autant la pipe.

Contrairement à JC, il fallait acheter de grosses quantités de nourriture, il avait très souvent faim, pour un peu, il aurait mangé des boites de conserve.

Et aussi, il était très bagarreur. En particulier, il se battait régulièrement contre un type que nous allons appeler B. Après, il rentrait le soir dépenaillé et se vantait « T’vois poupée » car il avait un langage assez familier, on aurait dit un marin dans la rade de Brest « T’vois poupée, j’ai encore eu le d’sus ! », disait il en produisant un grand nuage de fumée.

C’était un homme qui n’avait pas conscience de sa force. Tant et si bien qu’il cassait tout ce qu’il manipulait : les portes étaient sorties de leurs gonds, les couverts étaient tous aussi tordus qu’après une démonstration de Uri Geller, nous avions plusieurs procès sur le dos pour broyage de phalanges et pour écrasement involontaire d’animaux domestiques sous une main censée caresser.

Notez que par honnêteté, il me faut avouer que cela n’avait pas que des inconvénients.

Tout d’abord, et tout en vous confessant cela, je ne peux m’empêcher de rougir, au lit, c’était un champion, mon P. Je me sentais une toute petite chose entre ses bras et il m’a toujours fait beaucoup d’effets.

Ensuite, comme garde du corps, il se posait là.

Par exemple, j’avais des ennuis avec la voisine du dessus, qui tout d’abord déambulait dans son appartement avec des talons aiguilles au lieu de s’équiper de charentaises – et alors que je lui avais vanté mes propres charentaises qui en étaient à leur cinquième année d’usage sans un avachissement démesuré. Ensuite, son môme horrible, appelons le M., braillait tant et plus et cette voisine ne faisait rien pour réduire ses nuisances sonores. Alors quand elle a mis à sécher ses draps au dessus de mon balcon, en les laissant goutter et m’obstruant la vue sur le jardin intérieur de la copropriété, j’ai pris des ciseaux et coupé tout ce qui était à ma portée, lui signifiant ainsi que j’entendais ne pas laisser envahir mon espace vital par son linge de maison, dégoulinant de surcroit.

Bien sûr, elle a cru bon de venir faire sa fière et de tambouriner à ma porte d’entrée en vociférant, puis elle est remontée chez elle et est revenue cogner cette fois avec marteau. C’est là que mon P. est intervenu avec son autorité naturelle. Ah, elle a été tout de suite calmée !!

Cependant, il fallut bien constater qu’une entente torride au lit ne suffisait pas à faire durer notre couple, à mon P. et moi. Je lui ai donc expliqué gentiment mais fermement qu’il serait mieux pour lui et moi, pour nous, qu’il prenne des distances, en lui présentant cela comme une séparation provisoire, selon une tactique éprouvée.

Je reconnais qu’il a été très conciliant, et il est parti quasiment du jour au lendemain.

C’est d’ailleurs à peu près à cette époque que la voisine du dessus a déménagé, et il était temps, je ne supportais plus du tout cette Olive et son gamin capricieux.

Comme quoi, un bonheur n’arrive jamais seul.

Ensuite, c’est tout naturellement que j’ai refait ma vie avec un homme de paroles, un médecin psychiatre.

Appelons le L.

Il n’était pas facile à vivre.

Il avait un caractère tyrannique et obstiné et était fâché avec tout le monde ou presque.

Ainsi nous vivions en froid avec son frère, dont il critiquait la ferveur religieuse, avec ses collègues, qui l’accusaient de trahison – trahison de quoi, je ne saurais vous le dire – et avec une bonne partie de notre entourage qui ne le comprenait pas, surtout la concierge espagnole.

J’avoue que moi-même j’avais parfois du mal à le comprendre. « Ton inconscient parle pour toi » me disait-il. Il était souvent sentencieux et lorsque je l’accusais d’être péremptoire, il me répondait « Père certes, mais pourquoi en ptoire ? ». Allez comprendre un homme pareil vous.

Pour la nourriture, il n’était pas difficile. Mais lorsque j’essayais de faire des repas diététiques et tentais de lui expliquer que les cacahouètes ne sont pas très bonnes pour la santé – pourquoi il absorbait tant de cacahouètes, ne me demandez pas – il me regardait par-dessus ses lunettes et me disait « Ne te préoccupes donc pas tant de l’aube hésitée ».

Il avait une manie et couvrait les murs de miroirs. Je crois qu’il avait eu un problème étant petit dans un stade avec un miroir, mais je n’ai jamais osé lui demander. C’est qu’il m’impressionnait un peu mon L.

Il donnait des conférences à la faculté et un jour, j’ai décidé d’aller y assister, mais je ne lui ai pas dit. Et bien m’en a pris car j’ai trouvé ça encore moins passionnant qu’un spectacle de flamenco.

Puis il a commencé à avoir vraiment beaucoup d’ennuis professionnels. Il semble qu’il ne respectait pas les normes, les règles de l’art, si vous préférez. En particulier, il ne recevait pas assez longtemps les patients en consultation. Un jour, une patiente lui a fait un procès, car venue le voir pour lui dire qu’elle vivait dans un désordre pathologique et se sentait très mal, il l’avait renvoyée au bout de deux minutes, en lui donnant pour mission de réfléchir à la façon de mettre des aiguillages et du triage dans son moi é-garé. Il lui avait aussi demandé de payer une consultation entière. Il a eu beau m’expliquer qu’il était « impératif qu’inconsciemment, elle paye le billet du voyage », j’étais secrètement pleine d’indulgence pour cette femme.

A la fin de notre vie commune, L. avait un comportement de plus en plus bizarre avec moi.

Par exemple, si je débarrassais mon assiette dans l’évier, quand j’avais de nouveau le dos tourné, il se dépêchait de mettre la sienne à ma place. C’était très perturbant, je ne savais plus ce que j’avais fait ou pas. Il me disait que c’était pour tester mon « présentiel immédiat », ou quelque chose comme ça.

Je n’en pouvais vraiment plus, alors, comme il était impossible de lui expliquer quoique ce soit, c’est moi qui suis partie vivre ailleurs.

Comme quoi, le langage du conscient, c’est aussi indispensable, moi je dis.

Après tout ça, j’ai comme une fatigue sentimentale.

Je vis avec mes deux chats et ils ne sont pas difficiles à vivre.

Comme ils sont aussi des célébrités, un peintre ayant même déjà fait leur portrait, je ne révèlerais pas ici leur nom, pour préserver leur vie privée.

Depuis quelques temps, j’apprécie bien les échanges sur Nietzsche et sur la chute de l’empire romain que j’ai avec mon boucher, qui de plus est un homme très sexy, avec son petit tablier blanc.

Mais comme il n’est pas une célébrité, je ne vais pas vous en parler ici.

Et puis, manger trop de protéines, je ne sais pas si c’est recommandé et en outre, je ne suis pas certaine que c’est facile à vivre, un boucher.


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