Quelques considérations sur l'organisation des sociétés humaines

Publié le 24 janvier 2009 par Saucrates


Réflexion une (24 janvier 2009)
Théories de la justice et du contrat social ...

Je vais m'intéresser dans mes prochains posts à l'un des sujets les plus intéressants qui puisse être : l'origine des sociétés humaines et de l'Etat. Evidemment, ce sujet ne paraîtra vraisemblablement pas primordial à tous ceux qui estiment qu'il existe des problèmes bien plus importants dans l'actualité immédiate. C'est évident. Il peut aussi apparaître prétentieux de ma part de m'attaquer à ce sujet, où d'illustres philosophes ou anthropologues ont déjà essayé de trouver une réponse. Et enfin, mon dessein pourra aussi apparaître sans espoir à tous ceux qui, ayant lu ces nombreux penseurs, sont d'accord avec eux sur l'absence de réponses plausibles à cette interrogation.
Les théories philosophiques portant sur cette notion du contrat social, médiatisée par Jean-Jacques Rousseau (mais aussi par d'autres philosophes avant lui tels Hobbes ou Locke) ne sont cependant pas si anciennes qu'il n'y paraît, puisqu'un philosophe tel John Rawls est revenu dessus, en proposant une nouvelle position théorique.
Le contrat social, pour des philosophes comme Jean-Jacques Rousseau, constitue le fondement de la vie en société, le passage de l'état de nature, où l'homme vit seul, à l'état de société, où l'homme accepte la constitution d'une société humaine avec des droits et des devoirs. Les philosophes dits des Lumières diffèreront toutefois sur la façon dont les hommes vivent dans cet état de nature antérieur (hypothétique ou non). Pour certains, l'homme dans la nature est un loup pour l'homme (Thomas Hobbes) tandis que pour d'autres il y coule des jours paisibles - l'homme étant naturellement bon (Jean-Jacques Rousseau).


Les théories du contrat social sont des théories de philosophie politique qui pensent l'origine de l'État dans une convention originaire entre les humains, par laquelle ceux-ci renoncent à une partie de leurs libertés, ou droits naturels, en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social.
L'idée d'un contrat social pose déjà celle d'un état de nature, préexistant à toute société organisée. Cet état de nature ne correspond nullement à une réalité historique précédant l'instauration des lois, mais à l'état théorique de l'humanité lorsque elle est soustraite à toute loi. Le contrat (ou pacte) social est alors pensé comme un pacte librement établi par la communauté des humains dans le but d'établir une société organisée et hiérarchisée.
Le concept même d'un pacte social apparaît précocement chez Platon dans le cadre d'une pensée plus large sur la fondation d'une cité idéale. Hugo Grotius est cependant le premier, dans l'histoire de la philosophie politique, à consacrer une part importante de sa réflexion à la définition du contrat social. Les grands théoriciens de ce concept demeurent toutefois à ce jour Thomas Hobbes et John Locke, avant Jean-Jacques Rousseau.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Théories_du_contrat_social


John Rawls revient dans les années 1970 sur cette notion de contrat social pour proposer une nouvelle approche du contrat social, et donc de l'origine de la justice et de la distribution initiale des biens, en inventant les notions de 'position originelle' et de 'voile d'ignorance'. Il s'agit pour Rawls de reformuler la constitution initiale du contrat social primordial, pour y annuler l'influence que peuvent y avoir les hommes qui y disposent des plus grandes capacités. La position originelle constitue l'instant où le contrat social est négocié entre des hommes. Mais il imagine que ces hommes se trouvent dans un état d'ignorance sur leurs forces physiques respectives et sur son influence sur leur future vie en société, de telle sorte que ces contractants tenteront de trouver une forme d'organisation sociale qui minimisera les inconvénients de cette vie en société pour les personnes les plus faibles et les plus mal dotées naturellement (personnes handicapées par exemple), puisque ces personnes, placées derrière un voile d'ignorance, ignorent toutes qu'elle sera leur future place dans cette société en création. Proposer la mise en place de l'esclavage lorsque l'on peut être esclave est en effet peu rationnel.
http://www.les-bayards.com/nrub/positionoriginelle.htm
Le principe du contrat social et son étude aujourd'hui peuvent apparaître particulièrement peu importants et vains. En matière de critiques, il faut rappeler que nous (les différents homo qui se sont succédés depuis l'origine) vivons en groupe vraisemblablement depuis plusieurs millions d'années, et que les espèces simiesques dont nous nous sommes vraisemblablement les descendants vivent également pratiquement toutes en groupes ou sociétés. Dans ces conditions, cette position de l'état de nature à laquelle nous tentons de nous référer est vraisemblablement immensément ancienne. Mais en même temps, il arrive régulièrement que de nouvelles sociétés humaines soient créées de toutes pièces par des hommes qui créent ensemble une nouvelle société. C'est arrivé aux Etats-Unis au dix-huitième siècle, avec la création de la constitution américaine des pères fondateurs ; c'est arrivé encore plus récemment également en Israël en 1948, mais aussi en France lors de la Révolution française ... Et c'est vraisemblablement arrivé à de multiples autres reprises au début de l'histoire de la sédentarisation de l'espèce humaine, il y a quelques millénaires.
Evidemment, lors de la création de la constitution américaine, les pères fondateurs américains n'étaient pas placés derrière le voile d'ignorance de Rawls. Ils n'ignoraient pas leur position sociale prédominante dans la société américaine, de riches propriétaires fonciers et de possesseurs d'esclaves et de serviteurs blancs, lorsqu'ils bâtirent la constitution américaine, face aux armées britanniques. Le voile d'ignorance ne s'appliquait pas non plus aux révolutionnaires français lorsqu'ils mirent en place les divers régimes politiques qui se succèdèrent à l'époque de la Révolution française.
Pour cette raison, je ne partage pas l'approche de Rawls sur cette position originelle et sur le voile d'ignorance. La position originelle est à la fois trop antédéluvienne pour signifier quelque chose, et inadéquate pour correspondre aux diverses constitutions de nouvelles formes de sociétés qui ont pu se succéder pour l'humanité. Pour ma part, il me semble que chaque création d'un nouveau contrat social, d'une nouvelle organisation sociale, s'est réalisée sous la menace d'une autre force ; les anglais pour les pères fondateurs américains, le peuple et les armées royales étrangères pour les révolutionnaires français, des envahisseurs ou des barbares quelconques à chaque fois précédente ... Face à un envahisseur, et encore plus face à un peuple barbare non civilisé, les hommes les plus forts et les plus riches rentrent évidemment dans la négociation de ce nouveau contrat social en position de force, mais le plus souvent, ce sont également ceux qui ont le plus de choses à perdre dans la guerre qui s'approche. Il est dans ce cas inutile de prévoir un voile d'ignorance comme Rawls le propose ; la négociation est forcément équilibrée puisque ceux qui ont le plus besoin de la protection du groupe, de la société, ne sont pas forcément les plus faibles et les plus pauvres, mais justement également ceux qui possèdent le plus ou qui sont les plus forts. Evidemment, cela n'est pas possible dans des organisations humaines étendues comme les colonies américaines du dix-huitième siècle, où le principe de la délégation politique exclut de facto la majeure partie des citoyens de cette négociation, et où il est simple pour les négociateurs de se mettre d'accord sur un projet de société qui les avantagent uniquement et la classe possédante.
Dans les prochains posts, je m'intéresserais essentiellement à un descriptif de diverses formes d'organisation sociale qui ont pu être observées par divers ethnologues, et qui nous donneront une idée de la multitude de forme d'organisations possibles ...
Saucratès
Ecrits précédents sur la justice :
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/09/01/sur-la-justice-redite.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/01/18/sur-la-justice-deux.html