Hier en classe, une scène qui me laisse perplexe et surtout très désarmée face à
une situation destinée à se produire de plus en plus fréquemment : Kevin est au tableau. Il doit écrire le mot GOURMAND. Il arrive et écrit GOURMANT. Aussitôt, je lui demande comment il dirait
s'il parlait d'une fille, dirait-il GOURMANDE ou GOURMANTE. Il me répond "GOURMANDE". Ok Kevin, alors, tu vas enlever le T que tu as mis à la fin de ton mot et le remplacer par la bonne lettre.
Il s'exécute, efface le T et reste me regarder, sans doute parce qu'il a déjà oublié ce qu'il doit écrire. Je lui répète donc la phrase "Ma soeur est gourmanDE". Et là, il écrit la
dernière lettre de son mot, je vous le donne en mille... un S. J'en reste sans voix.
Que peut-on faire ? AUCUN mécanisme logique ne s'est fait chez Kevin. Mais, il n'est pas le seul. Ils sont une majorité comme ça, à ne rien voir de logique dans l'orthographe française. Alors, je
sais que c'est difficile mais, n'est-ce pas leur langue maternelle ?On a toujours dit que le français était difficile mais pour les étrangers qui devaient l'apprendre, pas pour les franaçsi de
souche qui n'ont entendu parler que cette langue depuis leur plus jeune âge. Franchement, plus ça va et plus je me dis que j'enseigne le français langue étrangère, le FLE comme on dit. Ils
n'écrivent plus en français, n'ont plus aucune notion de rien, plus aucun repère pour rien. Le problème c'est qu'en collège, on n'a pas le temps de revenir sur les bases du français, sur ce qui
devrait être appris et intégré en CP ou en CE1. Là, par exemple, j'ai des élèves qui hésitent sur la façon d'écrire un Z, un X ou un K parce que ce sont des lettres qu'on n'emploie pas aussi
souvent que les autres. Cette semaine, j'en ai vu plusieurs faire une sorte de truc tirbouchonné qui était sensé représenter un Z, simplement parce qu'ils ignorent comment l'écrire exactement. Et
là, vous allez me dire que pourtant, en conjugaison, pour la 2e personne du pluriel on a besoin du Z... Bah oui, mais non... ils ont contourné cette difficulté en écrivant "vous pouvé", "vous
avé"... Et si on dit quelque chose "Bah quoi ? Vous comprene(é)z, non ?"
Alors, y'a des moments où j'en ai vraiment marre de tout ça. Marre de cette régression permanente face à laquelle je me sens impuissante. Chaque année c'est pire, chaque année ce qu'ils écrivent
est de moins en moins français et de plus en plus charabia. Chaque année, les cours de grammaire, de conjugaison et d'orhtographe sont pire que des cours de physique quantique pour ces gamins qui
n'ont plus la moindre idée de ce qu'est la langue française. Les proportions sont inversées dans les classes. Avant, dans une classe, il y avait 2 ou 3 élèves totalement hermétiques à
l'orthographe, quelques uns pas très doués, une majorité de moyens, quelques bons et 1 ou 2 excellents. Bon, ces 1 ou 2 là ont complètement disparu. Restent 3 ou 4 qui écrivent une français sans
trop de fautes, une petite dizaine qui va s'en sortir avec une vingtaine de fautes par copies et une quinzaine qui tournent entre 50 et 120 fautes pour une page d'écriture. Avant, en les faisant
recopier un texte, ils étaient 90% à obtenir, évidemment, 20/20, donc à être capables de recopier un texte sans une seule faute. Cette année, entre mes 4 classes, j'en ai eu 2 capables de réussir
ce qui ne me semble pourtant pas être un exploit...
Voilà où on en est. La question est : où va-t-on ainsi ?