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B. sentait que la solitude

Publié le 26 janvier 2009 par Unepageparjour

B.

B. sentait que la solitude devenait pesante. Non pas qu’il manquât de femmes. La vigueur de ses trente-cinq ans, un regard pénétrant, un sourire enjôleur l’amenaient souvent dans le cercle lumineux des soirées, dont il savait s’échapper à temps, entraînant dans ses filets l’amoureuse d’un soir, qui jusqu’ici s’avérait suffisante à décorer son existence. Parfois, quand son activité professionnelle l’empêchait de chasser, il procédait à quelques relations purement hygiéniques, qu’il oubliait très vite, comme la veille encore, avec cette femme de ménage africaine, qui passait chaque soir dans son bureau.

Pensif, ses yeux oscillaient entre les différents cadres qui ornaient sa table de travail. Sa moto, une fameuse Harley Davidson clinquante, aux chromes chargés d’étincelles. Sa voiture, ensuite, une puissante BMW décapotable, blanche, qu’il avait prise en photo un week-end d’été à Saint-Tropez, devant le petit port de plaisance surpeuplé et les yachts mondains. Puis, de l’autre côté, à sa gauche, l’intérieur de sa cuisine, magnifique, éclairée par un jeu de lumière savant qui semblait donner une âme à chaque élément. Son salon, ses boiseries claires, ses tapis épais, ses meubles en bois brut, dont il aimait caresser les contours. Et sa chambre, enfin, son lit en baldaquin orné de fines tentures de soie sauvages, dont il avait lui-même assuré le transport, un grand voyage qui l’avait mené jusqu’au cœur des villages du Siam. Il se leva et fit quelques pas jusqu’au baies colossales de son bureau, que la pluie battait à grands coups d’averses. Sa main, posée sur le montant métallique d’une des fenêtres, lui rappelait qu’il avait fondé cette structure, poussé par son goût immodéré de la possession, plus que par l’instinct d’entreprendre ou l’amour de la conduite des hommes. Un sentiment de griserie s’emparait de son esprit, comme chaque soir, quand, seul, au sommet de cette tour qui abritait son entreprise, il laissait son regard plonger dans Paris déjà sombre.

Mais sa décision était prise. Le matin, il avait prévenu son état-major : il serait absent la semaine suivante. Un voyage d’affaire, avait-il menti, faisant croire à ses directeurs qu’il mijotait quelque nouveau projet d’acquisition, dont il gardait le secret.

Amusé, il revint s’asseoir devant l’écran de son ordinateur et se connecta une nouvelle fois sur le site lookingforaprettywoman.com.


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