La semaine elle est triste, pressée, fatiguée et sale. On se demande ce qu'on fait là, ce qui peut bien nous pousser à ramper sous terre pendant des heures pour aller s'enferme le reste de la journée dans une tour de plomb où jamais un rayon ne passe. Embrumée, polluée, saturée, barbouillée, Paris ne fait pas rêver. Elle affûte les nerfs, elle est tranchante et cynique, elle vous suce l'énergie jusqu'à la moëlle et vous offre ses couloirs de béton comme seul espace de vie. On peut se sentir seul, déraciné ou même abandonné. On se sent petit, on ne sent plus le courage, on n'a plus la force d'avancer.
Et puis doucement la semaine s'éteint, le vendredi apporte avec lui son air d'allégresse. La course semble se ralentir. Et Paris se révèle enfin, telle que nous l'avions gardé dans nos souvenirs. Elle se fait câline, elle devient tendre. Elle nous dévoile ses plus beaux atours, elle nous ouvre ses bars, ses théâtres, ses jolis garçons. Elle laisse apparaître ses monuments au détour de rue, elle nous abreuve de liesse et d'alcool. Elle est comme apaisée. Soudain nous sentons des bouffées d'affection monter en nous pour cette mégère redevenue charmeuse. Elle se rappelle à nous comme une amante oubliée. Paris se laisse alors aimer, elle nous invite à la caresser et à se perdre en elle.
Nous sommes alors les mêmes amants que la semaine mais heureux et satisfaits de l'amour qu'elle daigne enfin nous donner et de l'attention qu'elle nous accorde. Elle est plus accessible et plus douce.
Nous emportons alors avec nous des morceaux de musée, des couleurs de parc, des sensations de nuits animées pour pouvoir repartir chaque matin, à l'assaut de celle qui se dérobe toujours et encore à nous...