Etre caissière est un métier à risque. Si nous
restons assises (ou debout pour celles qui ont des soucis de
circulation sanguine, ou de tendinite, ou de maux de dos) tous les
jours nous prenons des risques inconsidérés : nous évanouir après avoir
humé la délicate odeur d'un client mal lavé, devoir supporter l'humour
douteux de certain , se faire ignoblement draguer par des
individus désespérés… Il nous arrive aussi d'avoir envie de
faire pipi. Oui savez, nous aussi, avons parfois la vessie pleine, et
nous aussi pouvons arriver au point de non retour intitulé "La vider
rapidement sinon se réchauffer les cuisses avec une bonne dose
d'humidité un peu odorante".
Mais il y a un truc pire que tout lorsque l'on travaille en caisse : la
gastro. Quitter son poste toutes les cinq minutes étant fortement
déconseillé, gérer les effluves de merde alors qu'il y a foule de
clients, c'est tout un poème. Et l'autre matin, prise d'une chiasse
monstrueuse, c'était moi la poète et j'étais en caisse les fesses
serrées à bloc, à me demander si j'allais enfin pouvoir sortir de la
caisse et aller larguer ma bouse et ainsi retrouver un confort
gastrique certain. Mais le monde affluait sans relâche, comme mes
excréments malades. Mes crampes abdominales s'intensifiaient rudement.
Le point de non retour était proche et c'est bien pire que le point de
non retour de l'envie de pipi. Là c'est une autre histoire, une folle
histoire. Toutes mes collègues étaient occupées, personne ne pouvait me
remplacer. J'ALLAIS LITTERALEMENT ME CHIER DANS LE SLIP.
Un couple de clients que je commence à bien connaître arrive. Ils me
souhaitent une bonne année. Pour moi, elle commence formidablement bien
à serrer mes fesses l'une contre l'autre ainsi pour éviter un tsunami
gênant, avec cet espoir un peu vain qu'aucun goutte diarrhéique ne
s'échappe de mon orifice stressé. Je leur retourne leurs vœux,
évidemment, et avec un grand sourire : l'attitude commerciale quand on
l'a dans la peau, on l'a même quand on en chie. Puis, timidement, je
leur explique qu'il faut absolument que j'aille rendre une visite à ma
copine la cuvette. La cuvette, celle qui adore qu'on la repeigne, ça la
change un peu de son blanc infiniment trop blanc. Ils rigolent, ces
clients moqueurs, et attendent patiemment. ME VOILA LIBEREE !
Je reviens à ma caisse, détendue et je reprends le cours normal de mes activités.