Cette Kira lui plaisait bien

Publié le 28 janvier 2009 par Unepageparjour

Début de Kira B. Wassa

Cette Kira lui plaisait bien, cependant. Davantage que Katerina. Avec un soin presque maniaque, il ôta la photo du salon de son cadre et la plaça contre l’écran de l’ordinateur, à côté du visage souriant de l’ukrainienne. Le teint de la jeune femme, sa blondeur aérienne, presque diaphane, s’accordait à merveille avec les bois précieux qu’il avait choisis pour son mobilier. Il l’imaginait, assise et sage, sur son grand canapé d’angle, la main posée sur l’accoudoir d’acajou des îles, ses jambes croisées, découvertes jusqu’aux genoux, ornant avec aisance les blancs lumineux du sofa. Puis, se levant avec douceur, elle effectuait quelques pas, posant tour à tour ses deux escarpins de soie grège sur le parquet de bois de rose, jusqu’au bar-buffet, qu’elle ouvrait d’un mouvement de grâce, pour en sortir deux verres de cristal. Elle allait jusqu’à la table et, posant les verres sur la nappe de damasquin crème, sa main, qui lissait le tissu rare, ressemblait au bijou délicat, à la touche finale et si précieuse qu’il lui manquait pour achever la décoration de son appartement.

B., abîmé dans sa rêverie, ne prit pas garde aux légers coups que l’on donnait à la porte de son bureau. Une ombre haute se dessinait dans l’embrasure. Un guerrier massaï, songea-t-il un instant, habillé d’un tablier un peu délavé, qui poussait devant lui un chariot de ménage. Il sursauta, étonné d’abord, puis se rappela très vite qu’il avait téléphoné le matin même à l’agence de nettoyage : il souhaitait que la femme de ménage habituelle fut remplacée par un autre agent. Sans explication. Pourquoi, d’ailleurs, en aurait-il fourni ? Il les payait bien assez cher pour qu’ils satisfassent ce petit caprice. Mais quand même, quelle idée de lui envoyer ce grand gaillard ! Il aviserait plus tard, à son retour d’Ukraine.

Car il partait dès le lendemain, à la première heure. Rendez-vous à l’aéroport de Kiev, avec un certain Sergueï Iakoulenko, qui lui avait garanti, après quelques échanges d’email dans un anglais très approximatif, de s’occuper de toutes les formalités nécessaires. En une semaine, tout serait réglé, assurait-il.