Magazine Journal intime
Jeudi noir
Publié le 28 janvier 2009 par PfffttEn gare de Vierzon, j’ai longtemps regardé le train qui passe.
Tu cogites les correspondances, le temps qu’il te faudrait en speed sur le quai, ta valise à roulettes chouinassant derrière tes godasses…
Mais je n’osais pas monter dans le train.
D’abord si tu ne sais pas où ça mène, c’est angoissant. Même si c’est presque excitant de s’angoisser pour une destination inconnue. Ouais mais quand même.
C’était mon rêve : prendre le mauvais train à la gare de Vierzon.
On peut avoir espoir.
Un genre de truc totalement fou qui ferait tourner en boucle la même pensée dans mon cervelet : « le mauvais train en gare de Vierzon mène à toi, le mauvais train en gare de Vierzon mène à toi, le mauvais train en gare de Vierzon mène à toi… ».
Ça ferait même une chanson. Une varièt de trop bon savon, avec un rythme toujours à la vanille de Bourbon…putain j’arrive à faire des rimes…
C’est naze.
Au départ le bruit sourd de la gare de Vierzon devait m’éloigner de moi qui pense à toi. Parce que c’est moche et gris sur les quais, parce que ça vrille les écoutilles le sifflement sur les rails, parce que je t’avais jamais croisé là bas que dans nos hypothèses.
Oui mais.
La gare de Vierzon tu sais, et ben en vérité, c’est rien qu’une garce.
Elle me mène en chaloupe depuis le début.
D’abord ça pue, c’est triste, c’est sombre et j’en redemande.
Mes tympans sont morts déjà depuis que tu m’as offert le son sur une clé de Go.
On s’est aimé en vrai... gare de Vierzon.Sur les bancs d’acier, dans le TGV, près du buffet des voyageurs, sous le tableau des correspondances, entre les valises et les roulettes…...et même : « Mesdames et messieurs éloignez-vous de la bordure des quais s’il vous plaît »
Mais ta gueule la pétasse dans les haut-parleurs, ta gueule merde !
Elle avait un don cette nana pour gâcher notre dernier temps suspendu...
En gare de Vierzon, ça commence maintenant à faire un moment que je regarde le train passer.
Et ce serait laquelle des correspondances ?
Y a pas de roulettes en dessous de ma valise parce que c’est un sac à dos.
J’ai même pas de billet.
C’est la méga grève aujourd’hui, alors je pensais bien qu’il n’y en n’aurait pas de train…
Mais la gare de Vierzon tu sais, et ben en vérité, c’est rien qu’une garce.
La dernière fois qu’on s’est croisé j’ai passé l’instant à chercher une réponse.
C’est quand même dingue comme le souvenir du regard ne s’efface jamais…et le son particulier des mots qui sortent de ta bouche, toujours dans la même douceur…ça contraste avec tes gestes en speed comme si t’allais fuir dans 4, 3, 2, 1…voilà, t’es fui au loin !
Y a plus personne.
Enfoiré !
En gare de Vierzon, j’en ai ma claque d’attendre un train qui passe.
Le premier de la journée, je jure, cette fois je le prends!
J’ai bon espoir, il est 15h45.
Le silence des murs crades.
Je ne changerai jamais les images de ma tête…
J’ai bien tenté de tout planter.
Mais j’y reviens, tu me retiens.
Nous ne changerons jamais ces étoiles d’eau dans les regards…
On en a tellement chié avant.
Le mal est devenu sourd maintenant.
Tu sais, moi ça me revient d’un tout petit rien…et je t’en veux.
Tu ne m’as pas prévenu de ça avant.
Moi j’ai bien tenté de tout planter, mais je ne changerai jamais les images de ma tête…
Si tu reviens, je te retiens.
Il y avait tellement d’étoiles dans les regards qu’on a connement liquéfié en eau salée…
Le mal nous a tellement blindé qu’on n'entend même plus le bruit du train maintenant.
Je sais que toi, ça te revient sans prévenir, comme ça, d’un tout petit rien…
…et tu ne me pardonneras jamais de n'avoir rien retenu…
Le train entre en gare.
Je monte, je m’assois, je pose mon front sur la vitre.
La pétasse dans le haut-parleur annonce le terminus…
Une fois encore, je ne suis pas sur le chemin.
Clouée aux rails.
A quel moment avons nous eu un autre choix?