La vita va cosi, vous prend au dépourvu, s’amuse à vous faire subir différentes expériences. Vous chagrine, peine, attriste, émeut, attendri au gré de sa non logique, au gré d’un chemin non défini, d’un ensemble de stratagèmes jamais égalés.
Aujourd’hui j’ai eu une journée un peu difficile entre un enterrement, l’annonce d’un nouveau décès et une naissance. Trois évènements contradictoires, survenus à quelques heures d’intervalles.
J’étais naturellement contente pour la naissance tant attendue et souhaitée, contente pour le bonheur des autres. Une nouvelle étape difficile à gérer, certes, mais qui cache tant et émeut tant, un bonheur qui se partage même à des centaines de kilomètres.
J’ai accepté l’enterrement de mon aïeul, je m’apprêtais à aller à la cérémonie le cœur quoique un peu serré car certaine de ne pas le trouver, au fond de ce canapé, à raconter ses histoires de lutte pour l’indépendance, une Tunisie d’antan, une époque révolue ou il fut un des protagonistes.Je ne serais plus dans quelle étape il est arrivé dans l’écriture de ses mémoires, dernier livre qu’il a commencé à écrire mais que le destin a préféré terminer à sa place. Le départ du ‘grand de la famille’, comme on dit chez nous, casse toujours quelque chose au fond, trouble un sommeil, nous rappelle qu’on vieilli, et puis nous fait poser un drôle de regards sur nos parents…
J’ai reçu l’annonce de la mort d’un proche, comme une claque en plein visage, pourtant ça fait pas mal de temps que je ne l’ai pas vu. La première image qui m’est passée par la tête en entendant la nouvelle, c’est sa joie de vivre, c’était une personne qui rigolait souvent, qui riait souvent, un bon vivant comme rare des personnes savent l'être. Son cœur s’est arrêté de battre, a décidé de s’arrêter et il est parti, un départ léger sans adieu.
Je me rends compte que j’ai du mal à gérer un flux d’émotions quand il m’emporte. J’ai du mal à cacher mes larmes, j’ai du mal à dissimiler un éclat de rires. Ça se voit tout de suite quand je mens, ça se sent et se voit quand je ne vais pas bien. Me trouver dans des conditions si contradictoires en même temps accentue cette certitude. Finalement, le visage que j’ai pu afficher devant mes proches n’est à la fin qu’un mélange de ses émotions, j’avais l’aire mélancolique, l’aire rêveuse.
Dans la maison de mon aïeul je revivais des souvenirs de mon enfance.
Du haut de la montagne ou est érigé la maison, je voyais les voitures circuler dans les petites ruelles de ma ville. Je voyais des tous petits personnages marcher au ralenti, des petits points noirs qui s’activent, des vies qui avancent. Quand j’étais gamine, je m’amusait à créer des histoires autour de ces petits points, je traçait les trajectoires que les voitures allaient prendre ; « A l’arrière de la voiture rouge, le garçon a tiré les cheveux de sa sœur car elle lui a piqué sa barre de chocolat », « je te parie que la voiture bleu va tourner à gauche », « le papa qui conduit la voiture blanche va emmener ses enfants au manège, papa veux-tu nous y emmener toi aussi, hein? » .Des faits que je m’inventait, des éclats de rires qui s’en poursuivaient et des ‘Arrête tes histoires petite speakerine!’ que me lançait mes proches en entendant mes histoires inventées.
Il faisait nuit quand j’ai lancé un regard de la terrasse de laquelle j’inventais mes histoires. On n’apercevait que des lumières, des points de lumières qui s’activent, des points de lumière fixes. J’ai jeté un coup d’œil derrière moi et je me suis dirigé vers ma voiture, allumé les phares et m’apprêtait à faire partie de ces points. Peut être que quelque part, il y a un petit qui me regarde d’en haut et qui invente dans sa tête la trajectoire de la petite voiture grise.