Cette sonnerie de téléphone qui n'arrête pas de sonner. Elle sonne et résonne, à n'importe quelle heure de la nuit. Tantôt des accusations suivies de menaces, tantôt des cris suivis des pleurs. Son chantage n'a pas de limites.
Il accuse Alni de lui avoir enlevé sa fille. Alni ne la lui a pas enlevée, elle la protège de sa folie. A ce moment précis, Alni pense protéger Fani d'une folie passagère. Elle ignore les actes passés mais cette envie soudaine qu'il a d'avoir Fani à ses côtés lui fait craindre le pire. "Je veux ma fille, je ne peux pas vivre sans elle".
Comme elles sont belles ses paroles. Quiconque pourrait les croire sincères mais Alni a des doutes. Il insiste tellement que cela fait douter Alni de plus en plus. Jusqu'à avoir peur de cet amour soudain pour sa fille.
Cependant, bien qu'Alni n'ait pas le moindre doute de ne plus retourner vivre avec cette espèce d'animal à l'allure humaine, elle ne se donne pas le droit d'enlever un enfant à son père. Qui est-elle pour décider ? Elle attend et espère que la situation s'améliore et ensuite elle donnera à Fani le choix de décider, voir ou non son père. Alni est persuadé que dans les querelles d'adultes le choix doit revenir aux enfants, puisque il s'agit de leur vie.
Mais Alni vit de rêves ou de folie. Elle attend une amélioration qui ne viendra pas.
Il l'avait avertie qu'il allait "taper un grand coup" et qu'Alni se verrait dans l'obligation de lui rendre sa fille. "J'ai porté plainte pour abandon du domicile conjugale". "Tu vas entendre parler de moi", disait-il. "Tu crois quoi ? Je sais où vous êtes, je vous surveille…".
Et effectivement, la situation ne cesse de s'aggraver. A peine 7 jours après leur départ, le 13 novembre, il fait à nouveau parler de lui.
Extrait du Parisien du 13 Novembre 1996
"Le forcené voulait tout faire sauter" "Un homme, habitant un pavillon de la rue Pierre Sémard, s'est retranché seul chez lui, mercredi, pendant près de 2 heures et demi. Le forcené, 35 ans, menaçait de faire exploser son pavillon en laissant le gaz ouvert. Les raisons de son geste n'ont pas été établies, mais on sait qu'il est suivi depuis plusieurs années par des psychiatres. Interné à de nombreuses reprises, souffrant de dépression chronique, cet homme s'est retrouvé, à 11 h 45, avec sa maison entourée par les sapeurs pompiers et de policiers. Il faudra attendre 14 h 45, et l'évacuation des pavillons voisins, pour qu'il se rende. Auparavant, il s'était entaillé les veines. Maitrisé, il a été hospitalisé à l'hôpital de Beaumont-sur-Oise, après que Arnaud Bazin, maire (RPR), eut signé un arrêté d'internement. S.B."
L'article du parisien est incomplet, peut-être volontairement ou par ignorance, car les négociations portaient sur une demande bien précise "Je veux voir ma fille, ou je fais tout sauter".
Les forces de l'ordre présentes sur les lieux ne tenaient pas compte de sa demande, en connaissance de cause.
Dans la maison, il avait scotché des grands couteaux aux portes déclarant aux gendarmes "Si vous ouvrez, vous aurez ma mort sur la conscience". Comme s'il avait une conscience !
Avant de donner l'assaut et afin de protéger les habitants des pavillons voisins, une évacuation est ordonnée. Après quoi, les négociations reprennent. "Vous aurez le droit de voir votre fille, si vous ouvrez la porte."
Dans la rue et dans le jardin, une moitié des gendarmes est couché au sol. L'autre moitié, accompagnée des sapeurs pompiers, est placée près des portes et des fenêtres, dans l'attente qu'il ouvre l'une d'entre elles.
Après plusieurs heures, effectivement, la fenêtre de la cuisine s'entrouvre et l'un des pompiers, en voulant l'attraper, est sauvagement agressé. La brute lui a planté un énorme couteau sur la main. Le couteau transperce la main du pompier et se plante sur le plan de travail de la cuisine.
Alni ne sait pas exactement, comment ils l'ont maitrisé. Ces faits lui ayant été relatés par sa voisine qui lui dit "J'avais l'impression d'être devant un film à la télé". C'est cette même voisine qui lui a remis la coupure de presse.
Alni est avertie de l'hospitalisation et de la mesure l'internement qui suit, mais elle ne sait pas par qui. Les gendarmes, sans doute.
Pendant l'absence de Sieur, Alni retourne dans le pavillon pour récupérer d'autres affaires, vêtements, etc. C'est là qu'elle voit la mare de sang dans la cuisine et le plan de travail qui porte les marques du grand couteau. Tous les couteaux se trouvaient à la gendarmerie. Plus tard, les gendarmes ont remis tous les couteaux à Alni.
Pendant environ les 3 semaines de l'internement de Sieur, Alni a eu un moment de répit. Elle respire, même si le manque de scolarisation des enfants la tracasse. Son souci premier, trouver un établissement pour ses enfants. Malheureusement, il n'y a pas de place et ils vont rester de longs mois sans être scolarisés.
Et puis, comme une malédiction, le cauchemar reprend. Soit les Dieux on oublié Alni, soit elle un être au repos immérité. Les sonneries du téléphone se font de plus en plus insistantes. Il menace ou il pleure et, croyez-le ou non, Alni commence à perdre la raison.
Jusqu'ici, dans sa vie, rien que des ennuis. Jamais un seul à la fois. Pourquoi ? Est-elle la source du problème ? Envahi par les doutes, Alni recommence à douter du bien fait de ses agissements.
C'est ainsi que ce soir de décembre elle bascule. Oubliant la situation elle appelle sa Fani et lui demande "Tu veux aller voir ton père ?" Non ! Ce non a été plus qu'un non, c'était un cri. Oui, un cri étouffé, Fani a crié. Alni souri, elle ne saisit pas bien la situation.
Prémonition ou folie du moment ? Sans avoir réfléchi et en riant, Alni prononce le mot fatal "Pourquoi ? Tu as peur qu'il couche avec toi ?"
La réponse ne se fit pas attendre, avant même la fin de la phrase, le OUI fusa plus rapide que l'éclair et Alni le reçoit en pleine poitrine. Alni tremble. Son sourire s'efface. Son sang se glace.
Elle n'est pas certaine d'avoir bien entendu, bien compris. Est-elle démente et son esprit lui joue-t-il un tour ? Est-ce un cauchemar qu'elle vient de se créer, pour justifier quelque mauvaise action ? Alni repose une nouvelle question. Elle veut s'assurer ne pas être aliéné.
"Il a déjà essayé ?" Fani baissa sa tête et, comme honteuse, fait signe que oui. Mon Dieu, Alni vient de recevoir tout le poids du monde sur sa tête. Elle ne sait plus ni qui elle est, ni où elle est. Elle a dû mal à croire ce qu'elle vient d'entendre, tout en croyant. Pourquoi sa Fani mentirait-elle ? Dans quel but ?
Tout à coup, Alni vient de comprendre, tout en ne comprenant pas. Elle est dans une période de doute et a besoin de se rassurer. S'assurer que c'est bien vrai ce qu'elle vient d'entendre de la bouche de sa Fani. Alni ne doute pas de Fani. A ce moment précis, le doute est sur sa propre personne.
Alni appelle Marco, le grand frère, qui se trouvait à l'étage. Alni voulait, désirait, priait en silence les Dieux, que son fils lui dise que ce n'est pas vrai.
Mais Marco confirme. Alni ne rêve donc pas ? Alni tourne en rond, elle est perdue, désarçonnée. Le peu de vie qui lui restait, s'est envolé.
Tuer, c'est sa seule envie du moment. Si le monstre était présent, sans mesurer les conséquences, elle l'aurait égorgée.
Petit à petit, Alni reprend un peu de son esprit. Elle décide d'aller porter plainte. Alni part donc, accompagnée des enfants et de sa sœur, vers le commissariat le plus proche. Ils mettent longtemps à le trouver et à leur arrivée les agents ne prenne pas la plainte, prétextant, à tord ou à raison, qu'il faut se présenter dans le commissariat du lieu des faits.
Ce soir, il fait très froid et les enfants sont fatigués, Alni décide donc de remettre la plainte au jour suivant.
Alni ne s'est rendu compte que le lendemain au commissariat, de la sage décision qu'elle avait pris la veille. Car ce qu'elle va apprendre au commissariat est tellement absurde que, su le même soir, ça l'aurait achevée sur le coup.