Isolement

Publié le 29 janvier 2009 par Danielrondeau
Fabien ne sait plus à quel âge il a cessé de diluer les choses.
Il lui a toujours paru incongru de vouloir goûter aux plats des amis lors d'un repas, comme si ça enlevait du plaisir à son repas, comme s'il se brossait les dents entre deux biscuits, comme s'il allait à Rome regarder un diaporama sur l'architecture chinoise. Chaque chose a son heure réservée. Après tout, si les médecins ne font entrer qu'un patient à la fois, il ne voyait pas pourquoi il en serait autrement pour sa nourriture.
Enfant, il a rapidement cessé de mettre du lait dans son chocolat en poudre. Puis il en a fait de même avec son café et ses céréales: un verre de lait à côté du bol. L'un, puis l'autre. Ensuite vinrent les pâtes sans sauce, les viandes sans légumes… Il ne détestait pas le lait ou les légumes, il préférait seulement déguster la vie par ingrédient isolé.
À l'âge de 20 ans, il suivait à la lettre le guide alimentaire canadien, sauf que chaque groupe alimentaire avait sa journée: viande - lundi, légumes - mardi, fruit - mercredi, produits laitiers - jeudi, céréales - vendredi, puis il recommençait. Le jour des fruits, jour qu'il préférait, Fabien les achetait d'un coup et les consommait dans la journée. Rien ne pourrissait jamais chez lui.
Tout cela était simple. Jusqu'à ce qu'il rencontre le Marianne et son pâté chinois.