"Dis-moi ce que tu as, je te dirai ce que tu
penses."(Balzac)
Avez-vous déjà essayé de regarder un film le nez collé à l'écran de la télé ou bien de décrire un tableau le nez collé dessus ?Impossible de voir les détails. Impossible de faire une description.
On a une image floue indéfinie et indéfinissable, quelques vagues couleurs, des formes étranges... Dès qu'on se recule, ça change complètement. On est capable alors de voir les petits détails, de
distinguer clairement les couleurs et les formes et d'en faire une description, voire une analyse. On prend conscience de l'image.
Avec notre vie, c'est pareil quand on y réfléchit. On est trop près de soi pour se voir soi correctement. L'an dernier, j'avais entendu quelqu'un qui disait de façon docte et affirmée que notre
meilleur ami c'était nous mêmes parce que personne mieux que nous ne peut savoir les choses que nous ressentons. Certes... et pourtant, sommes-nous toujours notre meilleur conseiller ?
Sommes-nous toujours capable d'avoir assez de recul sur nous-mêmes pour analyser de façon précise une situation qui nous concerne ?
J'ai souvent l'impression d'être trop collée au tableau pour pour faire un état des lieux de ce que je vis. Alors, oui, je ressens des choses, évidemment mais souvent, je ne sais pas pourquoi je
les ressens. J'ai simplement une idée du "comment" mais le "pourquoi" reste un mystère. Il faut ou plutôt il faudrait alors que je fasse un effort, que je sorte de moi pour avoir une vision moins
faussée de moi-même. C'est d'ailleurs pour ça que les amis ou même les gens qui nous cottoient sont souvent étonnament aptes à mettre le doigts sur quelque chose qui ne va pas chez nous,
d'émettre des hypothèses plausibles sur les causes en voyant les conséquences... C'est un peu ce que dit la citation de Balzac que j'ai mise en début d'article :"Dis-moi ce que tu as, je te
dirai ce que tu penses". Alors que nous, le nez collé à nous-mêmes, nous ne voyons que les conséquences, nous nous lamentons éventuellement sur elles mais nous n'avons pas idée d'aller
chercher les causes. On se découvre à travers le regard des autres et surtout à travers ce recul qu'ils ont par la force des choses et que nous n'avons pas, par la force des choses aussi... C'est
comme s'il fallait un TOI pour comprendre un MOI...
Difficile en effet de s'extraire de soi pour véritablement se regarder en essayant de se comprendre, de s'analyser. L'introspection est une forme de regard intérieur qui permet parfois de se
découvrir mais entrer dans soi tout en restant hors de soi c'est très acrobatique comme démarche. Je crois que j'ai rarement réussi à la faire. Pas les bonnes questions, encore moins les bonnes
réponses, ça paraît logique. Je suis même allée voir un psy, pour essayer de prendre ce recul qui me manque cruellement. Ça n'a pas marché. Il m'a laissée parler. Il ne disait rien. Je faisais
donc une introspection orale avec MES propres questions auxquelles j'apportais toujours MES propres réponses sans que jamais il n'intervienne pour me poser ses questions et me forcer à sortir de
moi. Il disait qu'au bout d'un temps j'y parviendrais seule... Je n'y crois pas. Peut-être que pour certains ça marche, certainement même sinon, ce type de pratiques aurait disparu. Mais, sur moi
ça n'a pas fonctionné. Je suis restée en moi, coincée le nez collé aux tableaux plus ou moins réjouissants de ma vie, incapable de comprendre ce que je vivais, ce que je pensais, pourquoi je le
pensais...