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Oubli

Publié le 30 janvier 2009 par Nathalie Seguenot
Je crois reconnaître, ça et là, les premiers signes de l’oubli. Le monde s’aveugle. La peur s’effondre sur nos calottes glacières qui fondent. Des animaux à nos âmes d’humains, on s’engloutit de fièvres et de douleur. Derrière nos vies misère ou plaisir, l’oubli guète sa proie, le dénie. La frontière est mince. Le choix est ténu. A nous de traverser le pont ou de nous tenir éloignés des souvenirs, du futur. Oubli des règles et des codes qui règlent notre société, notre cœur, notre générosité. Oubli des gens, des morts ou des vivants. Oubli de la Terre, planète et eaux qui hurlent sous le sable. Oubli des paroles qui réconfortent. Oubli des temps qui furent, un jour, barbares ou bien sages. Oubli des témoignages, de l’Histoire, du patrimoine. Oubli des sourires, des souffrances, des armées vaincues aux corps transpercés. Oubli des lois, promesses, des voix. Oubli des peuples qui s’esclavagent encore sous le joug d’autres peuples. Amers. Les temps sont airain. Le glaive se lève encore plus fort. Melting pot. Entre blancs et noirs. Le gris est pourtant joli mais il s’oubli. Chez nous aussi. Entre belles paroles et décrets bien écrits, les charters s’envolent. A leur bords les oubliés. Les renvoyés. Les expulsés. Pourquoi ? Terre des droits de l’homme. J’oubli, moi aussi, les majuscules. Peine de mort abolie. Et oubli des prisonniers. Au fond de leurs geôles, ils pleurent et se boites de sardines. Bientôt rejoints par nos plus jeunes. Douze ans… il n’y a pas d’âge pour tomber en oubli de la société. Retour en arrière sur le froid qui pique et les tentes SDF qui poussent comme champignons sur les trottoirs de Paris. Droit au logement ? Droit à la rue ? Les nourrir, les aimer, les réinsérer. Mais le prix est cher quand il y a amande pour ces bouts de tissus imperméables aux sentiments de nos plus grands sans cœurs. Et quand mon regard se porte au loin. L’oubli s’acharne. Ces enfants qui triment dans ces mines en plein soleil. Ces parents qui vendent leurs filles. Ces peaux luisantes de colère qui creusent leur propre terre pour d’autres plus riches. Ces guerres qui n’en finissent jamais de couleur à feu et à sang. Coup de haine, de peine, de je t’aime pour ces autres qui endurent l’oubli de nos yeux lointains ou proches, trop occupés à se regarder. L’oubli, un sentiment bien pratique. Une révolte silencieuse. Mais. Après tout, à notre échelle, à notre vie, à nos soucis, nous supportons aussi notre propre oubli. Celui de notre incertitude, de nos tâches ingrates, de nos cœurs fanés parfois, de nos enfants absents. Qu’il est dur de créer pour soi, un cocon bien pensant ! Qu’il est encore plus dur de s’occuper des autres ! Un grand coup de balai sur nos rêves, c’est déjà pas si mal. Ne pas s’indigner plus que nécessaire. Respecter notre rythme, comme une musique, ne pas se noyer dans les eaux fortes, garder notre tête hors de portée des fausses notes. Ne pas oublier, ne pas s’oublier, ne pas les oublier, c’est essentiel.

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