Lorsque j'étais enfant, je rêvais que je m'effaçais*. Je me souviens du jour où je m’étais installée dans la niche du chien. Je dois dire que j’enviais mon chien ; lui au moins, on lui fichait la paix. J’étais recroquevillée à l’intérieur depuis au moins un quart d’heure quand j’ai entendu ma mère qui m’appelait de sa voix de stentor. J’ai aboyé furieusement, juste pour le plaisir, j’étais contente de jouer au chien. Une fois devant la niche, ma mère a hésité, puis elle s’est accroupie pour regarder à l’intérieur. Quand elle m’a vue, son visage est devenu cramoisi. J’ai juste eu le temps de m’effacer avant qu’elle ne me donne deux gifles sonores.
Pendant toute mon enfance, je me suis effacée, et même à l’âge adulte, sauf hier. On m’a convoquée dans le bureau du patron pour une faute professionnelle que je n’avais pas commise.
- Ce n’est pas moi, ai-je dit d’une voix ferme.
Mais rien n’y a fait, le patron n’écoutait aucun de mes arguments, il s’est même approché de moi, l’index menaçant. Alors, en désespoir de cause, j’ai aboyé et j’ai montré des dents. Le patron s’est retranché derrière son bureau, ça l’a calmé. J'ai pu sortir la tête haute.
* phrase gentiment prêtée par Charivari