Magazine Journal intime

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Publié le 31 janvier 2009 par Thywanek

La vie. Un vol. La vie comme un vol. Plein air. Des vols et des avions. Des vents et des fuseaux. Des heures sur océan. Simple déplacement. Voyage. Fuite. Poursuite. Des sauts sur des montagnes. Des sas d'attente. Des reines de tarmac en pacotille stressée. Des rongeurs de pendules et leurs greffons électroniques. Des sons de cathédrale. Des paranoïa. Des incidents internationaux. Des zonards. Des flics et des militaires. Des menaces. Des fatigues et des retards. Une importance de plus. Quelque chose de plus grave. Des détecteurs de bombes. Des gamins excités. Des panneaux qui cliquettent et des derniers appels. Des deux qui se déchirent comme dans la chanson de Brel. Des migrateurs. Des demandes d'asile. Des hall de fastes modernes. Des sous-sol sordides. Des cloisons entre des classes. Des Very Importunate Persons. Grains sombres parmi des gens de billets et de papiers
Dans des bungalows de chantier, montés à la hâte, au bout des pistes des aéroports, des femmes et des hommes transitent ; on leur a maillé des limbes grises et sales qui leur servent de couloir pour attendre entre deux enfers. Entre deux sorts injustes. Comme une moustiquaire miteuse ces linges se mélangent à eux, étouffent les sons de leurs existences, pendant de cintres bureaucratiques.
Destin de clandestin.
Et lorsqu'ils ne sont plus là-bas, cachés à notre vue, ils sont juste quelques rescapés au dessous de là où nous vivons : on sent l'ondulation de leurs vies individuelles et groupées parmi nos déambulations. Entre le dessous de nos semelles et l'improbable hauteur d'un sol à nettoyer.
Réfugiés.
On sait qu'ils vivent. Certains finissent plus ou moins par habiter quelque part, ici ou là. Ils mangent. Ils boivent. Tout est précaire pourtant il doit suffire parfois qu'un hébergement dure plusieurs semaines pour qu'ils croient s'être installés. Il y a de la transparence semblable à celle du verre dans leur vie ; substance fragile qui les rend riches de fenêtres un jour, et parias invisibles le lendemain. Devoir d'invisibilité pour les polices, pour quelques chiens, quelques voisins. On sait qu'ils vivent. Qu'ils sont vivants. Mais on les garde dans des galeries parallèles, sorte d'anti-ville, où on les aperçoit, dans le blanc formica des premiers métros. Dans les barges vert d'eau des bus de nuit.
Si normalement ou presque qu'ils s'habillent, ou que parfois ils marchent, il faut se déguiser un peu pour les suivre anonymement. Il peut se faire que ce soit une circonstance qui nous déguise jusqu'à faire qu'on se le sente, et qu'on soit un moment comme eux. La tête fatiguée d'une nuit passée sans dormir. A traîner une envie d'être loin de là où on est seul sans autres. Le corps tombant sur lui même. L'intérieur réduit d'une rivière qui s'assèche. La face déteinte dans l'hivers de toutes les premières heures des jours.
Je suis dans une rame, ligne U7.
Au début je ne le vois pas. Il est face contre la porte du wagon. Je suis à l'autre bout. Quelqu'un passait devant lui au moment où il est monté. Il est resté debout. Signe d'un trajet court. Non. Il est resté ainsi contre la porte durant plusieurs stations. Une fois il a dû ouvrir pour faire passer un autre voyageur. La rame est ressortie de terre après la porte de la ville rencontrant alors une autre obscurité. Entrant dans la zone. La banlieue.
Je le suis. Il est dans la nuit juste avant les forêt.
Le suivre, c'est suivre ses hanches. Sa nuque. Son dos étroit. Sa tignasse noire. Entrevoir à un tournant l'esquisse d'un profil. Moitié le deviner, moitié l'inventer. Avoir envie de le connaître pour s'assurer du résultat. Même à priori sans projet. Pour soi c'est déjà sur. Sinon pourquoi être là.
Le suivre, en demeurant imperceptible pour lui. Que s'il se retourne à un moment pour savoir ce qu'il sent comme ça derrière lui, qu'on sent quand une présence se fixe sur la notre, juste d'un regard, ça arrive, et qu'on surprend ce quelqu'un nous regardant fixement, que s'il fait mine de s'apercevoir de quelque chose, lui, devant moi, il ne me repère pas pour plus qu'un semblable, sur un chemin commun, rentrant dans son trou pour y passer la nuit. Que l'incolore de nos silhouettes nous confondent jusque sous les réverbères blancs ou oranges. Que ma tête et mes yeux brûlés lui évoquent bien les rares qu'il croise dans ces parages, à ces heures.
Le suivre à travers une cité de bâtiments : pas forcément l'air délabré la nuit sous les éclairages urbains. Faut regarder attentivement pour voir les portes d'escaliers défoncées ou arrachées. Les tags nerveux. Les peintures craquelées. Les ordures abandonnées un peu partout. Ici une épave de voiture brûlée. Ici un hall saccagé. Là un groupe de jeunes habitants, parlant fort et sautillant sur place, ce qui fait un trou de vie dans l'ambiance morne. Là, pas très loin un homme avec un gros manteau sort lentement d'une cave avec une vieille mobylette.
Celui que je suis ne s'arrête pas là. Il va au fond de la ville où ont échappé aux dernières démolitions des pavés de vieilles habitations insalubres. Angles de rues dévastés où restent érigées dans un sursis crasseux une ou deux colonnes de logements entre des murs rongés ; ça pue le froid, la sale lumière de secours ; ça grince de rafistolage ; il y sourd une rumeur de ventres serrés, de battements inquiets, de pas amortis, de paroles coincées entre la retenue de planque et l'écart de rage miséreux.
Il entre dans un des deux trous noirs, au rez-de-chaussée ; il n'y a plus de portes. Je me suis posté de l'autre coté de la rue, près d'une palissade de chantier. Il n'y a pas d'éclairage dans l'escalier. J'attends de voir quelque chose s'allumer à l'étage où il s'arrêtera. Mais rien. Rien ne s'allume. Je pense qu'au bout d'un moment il a dû pénétrer dans un appartement. Et bien sur, il ne doit plus y avoir d'électricité ; ou autre chose : ils sont plusieurs à se partager l'abri : on laisse l'obscurité quand on rentre, pour pas déranger les autres. Des qui pourraient devoir se réveiller dans déjà rien de temps pour aller bosser. Qui viennent de rentrer, éreintés, et qui se sont écroulés sur un matelas à même le sol, dans le sommeil dans lequel, le temps d'y penser, lui aussi s'est déjà plongé, juste un peu déshabillé.
Il est couché sur le ventre, les mains jointes au dessus de sa tête dans l'improbable saisissement d'un ballon. Son profil s'estompe dans la pénombre. La fatigue des traits s'y dissimule. Il dort tout de suite. Il va verser dans le rêve.
De quoi qu'on rêve la nécessité en est totale. On a fait des expériences en cherchant ce que ça serait d'empêcher les gens de rêver : deviendraient fous. Tueraient tout le monde.
Il faut rêver sa colère et son amour. Celui qui parviendrait à gouverner les rêves provoquerait des cataclysmes. Il faut rêver sa noyade et son décollage. Il faut rêver son élan, son retour, son désir, sa foi ; les trouver dans des énigmes grimaçantes, ou entre des doigts d'orfèvre.
Dans le noir de ses yeux clos il n'est pas possible de lui voir rêver quoi que ce soit. On doit passer par la peau de sa nuque, par un trou d'oreille, par sa bouche entrouverte, un dos d'une main, la cambrure de ses reins. Encore se peut-il qu'il ne soit qu'enfant pas revenu, flânant sur une grève chaude près d'un flot marin lancinant. Qu'il ne soit pas vraiment devenu guerrier armé pour se donner au monde. Qu'il ait toujours compté et compte toujours avec l'age. Ce en quoi il a tort. Et l'écrasement ne stimule pas toujours des révoltes ; au mieux les tient-il à la fleur de terre où s'accrochent les plantes sauvages. Au pire n'oublions pas que parfois le pied qui écrase parvient à faire croire qu'il a raison.
Alors croire en attendant en la peau de la nuque, le dos des mains, les oreilles aux yeux clos, et les reins fatigués. En le corps qui contient ; et qui, doit-on l'espérer, l'attendre, même infiniment, s'ouvrira un jour, en ordre de colère, comme les contingents sont en ordre de bataille.
Ne plus s'arranger d'être sous l'être.
Les rêves de fuite ne suffisent pas. Les rêves d'ailes ou de coques puissantes fendant les flots. Les rêves énigmatiques dans des dédales absurdes. Les rêves reposants de demains en lendemains, avec au bout un avenir qu'on atteint jamais. Des rêves arides sous lesquels on vieillit, enfant inachevé.
Lui, cet autre de quelques instants, à la fin de cette filature improvisée, je lui veux un rêve rouge, chaud et électrique. Quelque chose qui l'empêcherait de dormir encore une deuxième fois déjà dormant. Dormeur songeant dormir. Qu'il sorte d'un encoquillement, en procédant des bras comme d'un double balancier. Et un tambour aux écoutes inversées, grondement de thorax sans bouclier. Et une foule d'eau dont le roulement des têtes contient des contines obstinées. Danseur qui naît. Il quitte la révérence des humbles en s'élevant. Sa tête apparaît. Son visage. Je ne l'ai connu que dans les ombres et les marges des ombres. Que marchant devant moi sur la ronde qui ceint le flanc dur de la survie. Sans visage. Là, il apparaît. C'est une lame courte à la bouche de chair. Un fil qui se perd dans un front large et haut. De chaque coté un double onyx luit d'une chaleur lointaine. Des boucles épaisses et noires accrochent ses tempes. Il n'a pas d'expression. Pas plus qu'il n'a à exprimer l'équilibre attentif où il doit se tenir sur le double ciseau de ses jambes qui se déplie. Pour régler l'oscillation il replonge son visage sous son ombre. Il s'ébroue brièvement secouant sa chevelure. Les bouts de ses doigts au bout de ses bras tendus du creusement de son dos, contactent des points invisibles, reconnaissance d'empreintes dans le programme magnétique. Ses yeux noirs ressortent. C'est d'un geste du cou qu'il relance son visage. Une des branche du ciseau a quitté le sol et lève entre ses mains une troisième paume. Le cristal de voix qui vibre sur les peaux grondantes attache à son lustre ce triple cordage de fibres longues et sèches. Seule sur le tambour la pointe du deuxième pied maintient la transmission avec le solide et le tellurique. De l'imprévisible se prépare. La position inattendue à partir de laquelle va se produire un prodige, ou peut-être rien. Et y compris dans ce rien, façon de ne pas y croire, l'innocente surprise de se laisser faire en ne s'appartenant plus que par un abandon. Se laisser faire. Comme on est fait d'une autre terre que la sienne, et modelé par d'autres mains que celles que l'on se connaît. Toute la partition est là. Elle se joue. Elle fait le ciel et le safran dans le bol de riz. Les océans et la gorgée d'eau. Les pas et le grand saut. La beauté là, et celle qui vient. Il suffit d'un souffle sur sa joue, et son visage part doucement de coté, et son pied sur sa pointe pivote, son genou fléchit, un temps, se raidit, un temps, deux temps, fléchit à nouveau, un temps, deux temps, trois temps, se raidit, pareillement, et fléchit, et toute la coupe de son corps commence lentement à tourner. La lumière s'offre un à un tous ses contours, et touche en alternance le haut de son visage, le fuseau d'une cuisse, le balancement de son sexe, le relief serré d'une épaule, la forme diverse d'une main. Les trois lianes de chairs nerveuses et souples qui lancent leurs pales au dessus de sa tête alignent une ellipse. C'est très vite cette hélice au milieu de laquelle fusent les cristaux qui tient dans son volant cette ronde d'un seul. De son visage mince, tiré vers l'extérieur par la force de cette ronde, ses yeux incandescents découpent des volutes, que le tambour reforme à chaque cercle. Le pied au sol se tord, se retend, et se retord, et se retend, et encore, mécanique de précision ; c'est un effort de titane, résistance de l'acier, agilité de la gomme. Un tour de potier où naît une urne vitale. Que veux-tu qu'il advienne toi ? Si rien ne l'arrête plus, que va devenir ce calice au tambour plein d'un chant d'eau fraîche et claire.. Une folie le prend tournant déjà depuis. Souvenons-nous. Le temps des soldats qui en guerre ne le compte plus. Le temps du croyant égal à celui de son rocher. Le temps de la vieillesse sous celui des enfants. Les cadrans délavés. Les importances poussières. Les plannings à la plage sous le sable, le sel, l'eau, le vent. Les ménagères enfouies sous leurs écrans d'arrêt. Le monde lâche comme un épiderme vide coule sous la scène. La roue du danseur projette un autre jour. Pour l'instant nul ne sait et nul ne répond : s'il faut ou non attendre que de sous le muscle de chaque membre de cette roue glisse un tranchant. Craindre qu'il y ait une arme dans l'intention de la grâce. C'est à dire cette arme là par laquelle toujours jusqu'à maintenant les opprimés de tous les mondes ont cru devoir exprimer leur colère pour être entendus des oppresseurs. Le danseur change de pied. Désormais pour mieux se déplacer et aller voir les mondes, il saute de temps en temps d'un pied sur l'autre, celui qu'il libère allant chaque fois remplacer au dessus de lui celui sur lequel il vient de sauter. Ce n'est pas une machine rapide. Mais il a acquis une telle régularité qu'à présent oui, il faut aussi savoir si cela concernera tous les mondes qu'il va visiter. Pour ça la scène va se dérober ; les éclairages vont s'estomper jusqu'à le laisser poursuivre sa rotation sous tous les cieux, sur toutes les terres. Il changera de figure : la roue avec les mains, en boule recroquevillé, contre le froid et les pluies, roulant tout allongé sous les balles des vigiles, retrouvant sa corolle pour entraîner les siens, les attirer, devenir gravité, nébuleuse, amas, cortège, fusion d'un même élan, mélange de tous les cris, de tous les épuisements des femmes, celles des déserts où elles sont réfugiées, et celles des argentines aux hommes confisqués ; mélange de tous les poings des hommes qui ne veulent plus mourir de gloire nationale ni divine ; mélange de tous ceux qui vont finir par préférer voir ce tourbillon chétif devenir un grand bal, que continuer à fermer leurs sens pour ne plus percevoir le fracas des milles fissures dont chacun est cerné. Avant une explosion ? Oui, aussi. Peut-être. Sans doute évitable pourtant. Mais souvent les rêves ne font pas le tour jusque là où nous sommes : ils demeurent décousus de nous. Ils nous portent, mais nous laissent presque à tous les coups dans un endroit où nous n'avons pas davantage de lien avec l'opportunité d'une aventure nouvelle. Nous en avons trop su en si peu de temps ; il ne nous en reste que juste assez pour attendre encore.
Toi tu ouvres des mots. Je t'ai vu depuis le début sur la scène, touché par cette danse comme par un climat recherché. Une inclinaison à vivre plus heureusement près de cette chorégraphie. Assis en tailleur, tu ouvres des mots ; bien plus que des livres. Tu n'ouvres pas de livres. Les livres te sont ouverts. Tu ouvres les mots. Tu le fais dans un temps immédiat, car ce n'est plus un geste que tu apprends, c'est une disposition naturelle que tu maîtrises. Le temps que cela nécessite est replié pour toi comme une recette d'alchimiste ; ton travail ne peut se voir que si on agrandit un morceau de seconde pour scruter se qui se déroule dedans. Il peut s'agir d'une opération. Tu soulèves doucement l'épiderme. Tu regarde les organes qui font vivre ce mots-là. Ils n'ont pas tous les mêmes. Ni les mêmes de la même façon. Tu détailles les synapses dont il se sert pour toucher les autres, et comme ce qui a été ainsi pensé, voulu pensé, cru pensé, inspiré, comme ce qui est venu a pris forme : afin de transplanter cette organisation, ce jeu d'organes, dans le corps d'une autre langue.
Moins médical ; tu ouvres des mots : où est la porte d'un mot. Où sont les portes. La trappe d'un mot. Son vantail opaque. Son oeil de verre. Son pli de peau par où la déchirure sera ou la plus tendre ou la moins limpide. Le pli de peau du mot peau d'ailleurs. Deux lèvres entrouvertes ou bien tout de suite un découvert de corps où s'avèrera une instance, un meurtre, une vieillesse, une palpitation, une nacre, un message clos, une chair brûlante, le dégagement d'un col de chemise, le frôlement d'un autre nu : les horreurs du dessous, les grâces du dessus ; quoi faire dire aux premières de pas si noir qu'on croit et dire aux secondes de pas si lumineux qu'on espère.
Ouvrir des mots. Un équilibre aussi. Doublement : c'est ton équilibre, et tu fais de l'équilibrisme.
On tente ça depuis tout petit. On l'ignore rudement. Dans le temps transformiste où le futur d'un homme commence à se négocier. On peut s'enticher d'une histoire de grain de sable avec Dieu. J'attachais à ce supposé individu, en tout cas impalpable, la petite voix qui me parlait. Je l'attachais d'autant plus que je ne me privais pas de lui répondre beaucoup. Il ne pouvait alors être question d'un moi à moi. Bien plutôt était-ce un moi avec quelqu'un d'autre. Je faisais mon intéressant. Je plongeais jusqu'aux abysses de la perplexité en interrogeant tour à tour la science et ce qu'on pouvait savoir de Dieu à propos de la présence dans le creux de ma main d'un grain de sable. D'un simple grain de sable. Le granule micronésien à peine visible sur la chair de ma jeune paume entrait en concurrence avec le vertige du ciel. Ca ne m'aidait pas à me placer. Dans cette recherche là j'étais assez peu enclin à imiter mes semblables pré-hommes pour qui l'abîme de la perplexité tenait entre les rondeurs naissantes des filles et la rondeur d'un ballon de foot. Je cherchais des angles. Des points de vue. Donc je ne cherchais pas à me placer. Je n'hésitais toutefois pas à tenter de convaincre de l'opportunité de mon questionnement certains copains de classe. J'en trouvais qui pouvaient me regarder avec un sympathique mélange d'étonnement et d'admiration très diffuse. Eux ne se posaient pas de question. L'avenir se profilait. Et cela s'écrirait sans eux. Avec l'un d'eux on allait après les cités dortoirs récemment construites au bord de la ville, dans les champs encore épargnés par l'urbain gris ; il avait réussi à gratter ici ou là un peu de monnaie et il avait acheté un paquet de P4 ; cigarettes dégueulasses fabriquées à partir de résidus de tabac. Un étui de quatre coûtait l'équivalent de quelques carambars. On fumait ces horreurs en cheminant vers le petit village de C. où il habitait. En chemin toussant et crachant, je lui racontais mes histoires et lui proposais de partager mes angoisses existentielles. Ce qui m'inquiétait, bien qu'alors je n'aurais pas dit que cela m'inquiétait, j'aurais plutôt dit que cela me contrariait, c'est l'assurance avec laquelle il trouvait des réponses. Je ne percevais pas le son des verrous de sa voix en mutation. Mais je faisais tout pour, avec la plus digne des mauvaises foi, garder mon équilibre, donc mon instabilité, donc mes angoisses faute de mieux. J'ai dû esquisser quand même quelquefois l'idée que justement si je choisissais un espace tel que celui qui tournait obligatoirement autour de ce grain de sable c'était bien parce qu'il fallait habiter ça et rien d'autre. Je me rappelle très bien le regard que je portais alentour : je travaillais aux précipices. Sur les orées entre les champs labourés et les forêts qui restaient encore fabuleusement menaçantes. Entre les balises de leurs pistes et les no man's land où elles pointillaient leurs canaux.
Parfaitement calme, miroir des sommets, engonçant jusque dans de secrètes soutes, percées dessous les rives, les pleines réserves d'une dépense qui vient, une eau vit du silence. Et le pourrait aussi d'un trait de plume pour tromper je ne sais dire quoi de métal à sa surface. De l'éclat translucide d'une oeuvre lapidaire. De même d'un léger souffle. Du sentiment de quelque chose de l'autre coté des montagnes.
Novembre était sur le pivot de la terre ; l'automne et les autres s'inversent.
C’est le bon moment pour naître de ce qui meurt.

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