Il Divo, ou : quand la vie imite la mauvaise télévision, il faut vraiment faire du grand art

Publié le 02 février 2009 par Jeannoel08

Avec l’histoire italienne des 35 dernières années, on pourrait faire un film de Costa-Gavras.


Meurtres, sociétés secrètes, complot, trahisons, mafia, pouvoir, archives, témoignages, raison d’État, tous les ingrédients sont présents pour faire une série télé bien glauque, ou un film “à message” bien torturé, qu’on nous resservirait le dimanche soir dans une soirée “Thema” sur l’Italie fin de siècle. Un film plein de réflexion qui ferait réfléchir.

Mais bon, l’histoire italienne réelle est suffisamment tragique pour que la moindre parcelle puisse faire l’objet d’un grand film compliqué.
D’ailleurs, c’est un genre qui se pratique depuis quelques années, comme l’ont montré Gomorra et Romanzo Criminale.

Quand on essaie d’avoir un point de vue global, on achoppe toujours sur le même personnage : Giulio Andreotti.
Or, il se trouve qu’Andreotti est un personnage pince-sans-rire, fuyant, voûté et immobile. Par ailleurs, il a été acquitté de toute collusion avec la mafia en 1999. Pas du gibier cinématographique, donc.

Difficile dans ce cas de faire un film costagavrasien avec un personnage inexpressif sur lequel les allusions glisseraient comme les accusations ont glissé toute sa vie.

L’idée de Paolo Sorrentio, à savoir de jouer la surenchère cinématographique est donc très forte. Musique anachronique, surimpressions maniéristes, plans audacieux et séquences ouvertement oniriques, le tragique pourtant présent (la séquestration d’Aldo Moro) est esthétisé à la mesure de son absence dans la psyché du personnage principal : réduit à un artefact sans profondeur mais lancinant (une seconde migraine).

Ainsi, ce film surtitré “la vie spectaculaire de Giulio Andreotti” peut-il à la fois accuser le personnage, tout en le raillant, mais en lui gardant un côté sympathique. La bouffonnerie permet de rendre la complexité.
C’est très fort et très réussi.
Et tous ceux qui ont dit le contraire seraient les premiers à se rouler par terre si le réalisateur avait été non pas italien, mais coréen ou taïwanais.
Quant à Andreotti, il a dit du film “Je dirai à ma femme de ne pas aller le voir”, ce qui correspond parfaitement à son personnage cinématographique, et ça, c’est quand même bon signe.