Nouvelles du Sarkoland

Publié le 02 février 2009 par Alainlecomte

On a beau être à 15 000 kms, on s’informe de l’état du beau pays de Nicolas et Carla.

Figurez-vous qu’il y a quelques jours (le 22 janvier je crois), notre génie national a fait un discours sur la recherche et l’innovation, au cours duquel il a annoncé ses intentions en matière de réforme des institutions scientifiques. En un mot : supprimons le CNRS. Ce monstre d’où vient tout le mal, ce nid de fainéants qui ne songent qu’à garder leur situation de privilégié (un bureau avec de l’électricité, et… « chauffé » dit-il en savourant !). Peut-être y a-t-il des choses à réformer au CNRS… je me suis plaint souvent de ses lenteurs et de ses erreurs administratives, mais de là à crier « haro »… Le plus étonnant est que notre grand chercheur national (qui veut supprimer par ailleurs la branche dont il est issu, à savoir le bac ES, de son temps bac « B ») se trouve un peu dépourvu quand il doit prouver la faillite de l’organisme scientifique. La recherche scientifique française s’est enorgueillie en effet ces derniers temps de nombreuses distinctions prestigieuses : Prix Nobel (physique, médecine), Médailles Field (pour les maths), Médaille Turing (pour l’informatique théorique). Tous les heureux bénéficiaires étaient du CNRS (ou d’organismes liés par accord au CNRS). Ennuyeux pour qui veut casser la machine… Cela ne décontenance pas notre troubadour élyséen : tous ces gens, fi !, c’est L’ARBRE QUI CACHE LA FORET ! oui, vous avez bien lu, ou bien entendu (si vous avez suivi la bande vidéo). Il faut vraiment être d’une ignorance crasse pour ne pas savoir que de telles distinctions honorifiques sont toujours en réalité le produit d’un travail d’équipe, long et exténuant. Si l’on ne voit que la tête (que une tête, devrais-je dire, car en plus, il y en a toujours plusieurs) de l’iceberg, c’est parce que les règlements des prix sont tels qu’ils ne vont qu’à des individus et qu’on ne saurait sans doute multiplier à l’infini les bénéficiaires.

Réussir aujourd’hui à démontrer un théorème mathématique important est tellement difficile qu’il faut, outre plusieurs années (des décennies) de travail solitaire, toute une communauté autour de soi pour exposer les premiers résultats, tenir compte des critiques, faire parfois des bouts de démonstration à plusieurs (quand ce n’est pas maintenant utiliser le travail d’équipes d’informaticiens pour s’aider, comme dans le cas de la démonstration du fameux théorème des Quatre Couleurs- j’imagine notre timonier national : vous voyez, c’est bien ce que je dis, ils sont tellement flemmards qu’ils font travailler les ordinateurs à leur place ! -).

A côté de ces disciplines « prestigieuses » récompensées par les Nobel, Field, Turing… figurent toutes les disciplines où un tel prix n’existe pas, mais où les succès obtenus par la recherche française sont également considérables (sciences de la terre, sciences de la vie, du langage, neuro-psychologie cognitive etc.), la conclusion sarkozienne ne peut alors être qu’une : elles n’existent tout simplement… pas ! Sans mentionner évidemment les sciences humaines : histoire, sociologie, anthropologie, où, là encore, des auteurs du CNRS ont une audience internationale : ainsi de Michel Wievorka, président de l’association internationale de sociologie, qui s’est fait retoquer dans sa candidature au poste de directeur du futur Institut des Sciences Humaines pour d’obscures raisons d’âge – il a 62 ans ! -

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(photo CNRS)

Michele, qui lit ce blog, m’envoie fort opportunément l’annonce d’une nouvelle découverte incroyable due aux équipes du CNRS : on a découvert, derrière les grands bouddhas de Bamiyan, des ouvertures menant vers des grottes qui contiennent les plus anciennes peintures de l’histoire de l’humanité et la preuve que la peinture à l’huile avait été découverte en ces lieux sept cens ans avant Van Eyck !, découverte qui eut été impossible sans la collaboration inter-labos au sein d’un grand organisme comme le CNRS).
Le discours du 22 janvier, c’est le « casse-toi pauv’con » adressé au monde scientifique. Qu’ « Il » prenne garde à ce que le monde scientifique, au milieu debien d’autres mondes, ne lui retourne son message…