Magazine Journal intime

Reine D'Espagne.

Publié le 03 février 2009 par Mélina Loupia
Et dire que ça faisait vingt ans que j'y étais plus retournée...

Mais non c'est pas vrai en vrai.

Presque.

De toute façon, on va faire dans l'approximation aujourd'hui.
Car il neige, alors que c'était pas prévu ce bordel, et que du coup, à midi, tout aura fondu et je me dis que si c'est pour gâcher un sac de neige, où va-t-on en ces temps de crise et de récession?

Alors dimanche, puisque le dimanche est propice à écouter Radio Nostalgie en 5.1 et faire en sorte que Demis Roussos fasse péter le caisson de basses, voilà que du côté aîné de la fratrie, on me propose pas de partir à l'étranger?

" Demain, ça te dit d'aller en Espagne?
-Oui mais bon, tu sais que j'ai un ibère très approximatif. Alors on doit prendre avec nous des interprètes puis des sous, deux choses qui nous font âprement défaut.
-Mais t'inquiète, on part quand les petits seront à l'école."

Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit à vrai dire.
Pire que la veille de Noël.

Et que La isla bonita, que viva Espana, qu'envie de mandarine, de pipas et de poupées en crochet à mettre sur la télé.
Nuit hantée.

Et hier matin, dès l'aube blafarde comme le contour de ma tête, les poubelles dehors prêtes à être descendues, les chats virés dehors, la chatière verrouillée, le portable chargé à la mule et la carte bancaire bien dans son étui et à portée de main, voilà que je tape du pied.

Le départ est prévu pour neuf heures, pas au delà après quoi le charme se rompt et faut attendre le mois prochain que la CAF tombe.

C'était sans compter tous les aléas de nos vies de mères et de grand-mère, que le boulanger est pas encore passé, que la copine elle est encore sur la route elle arrive donc on l'attend, que je vais vite fait signer deux ou trois trucs, que la nouvelle voiture de ma soeur fait sensation dans le village, que ça y est, elle est devenue riche et que si j'avais le temps, je plaindrais ces gens qui médisent, mais je peux pas, j'ai l'Espagne qui me tend les bras.

Donc, à dix heures trente, enfin, on lève le camp, après quelques petites formalités rurales accomplies.
Ici, passer à la poste et à la perception, ça prend deux heures. Que celui qui rêve de petits oiseaux et de bucolisme redescende un peu sur terre et reconsidère son prêt immobilier.

On choisit d'engraisser les Autoroutes du Sud de la France pour le plus vite possible, passer cette côte infranchissable et enfin, enfin, voir la mer qui fait des bisous de vagues avec le Canigou.

Et là, c'est magique le truc.
Hormonal même.
Tout de suite, j'ai le smiley, la fesse détendue, le plexus relâché et j'ai envie de dire Ola.
Comme mes copines de voitures.

Voilà, on est comme ça nous dans la famille.

C'est qu'on y a un peu dépensé tous les sous des ménages, quand on en avait encore, des sous, y a vingt ans.
C'est que chaque centimètre carré de cette côte rocheuse, entre l'Espagne et l'étang de Leucate, on pourrait de refaire en puzzle les yeux bandés.
C'est que des souvenirs nous pètent à la gueule et au coeur comme un tsunami à chaque fois qu'on franchit cette côte sur l'autopista.

Bref.

Sept Euros et trente cents sans hôtesse de caisse au péage plus tard, enfin, l'Eldorado.

Le Perthus.
( On prononce "Yévéôpeltouch)

Le pays des soldes permanents.
Le palais de la cigarette duty free.
L'antre du parfum cheap.
La caverne du bijou qui fout pas le feu aux yeux dans la vitrine.
La corne d'abondance du Pastis par cartons entiers.
La gare des bus de France et de Navarre.

Ah ça, le Chti, le breton, le wallon, Le Perthus, c'est un peu son Leader Price.

Mais nous, on s'en fout.
Aujourd'hui, enfin hier, bref le lundi, au Perthus, on est les reines.

Y a pas un chat.
On pourrait se garer DANS les magasins tellement c'est pas le jour d'affluence.

Pas un churros qui traîne sur les trottoir en pente ou en côte, ça dépend si t'arrives ou si tu pars ou si tu as oublié en bas la Vodka dans le magasin tout en haut.

Pas un retraité qui t'éborgne avec son sac rempli de service en terre cuite ou de lot de Sanex par flacon de deux litres.

Pas un vendeur à la sauvette qui tente de te refourguer une ceinture D&G entre deux conversations avec un agent de la Police Municipale.

Mis à part les rabatteurs de merlus aux abois devant tous les restaurants paëlla à volonté avec un quart de sangria, la ville est à nous.

Alors nous, on se sert.

On a fait nos courses à trois à l'heure entre onze heures trente et midi deux.
On a trouvé un endroit pour manger que jamais j'ai vu un truc aussi propre, aussi accueillant et aussi bon et peu cher en France, que je te prie de croire que la restauration française, là, elle peut trembler.
Qu'on s'est ventrées comme des gorettes pour cinquante Euros à quatre tout compris, de l'apéro au café.
J'admets, le café, il aurait réveillé un car entier de suisses, mais nous fallait bien ça pour rester en éveil fasse aux bonnes affaires.

Ce qu'on a fait.
En quarante minutes, on a fait tous les magasins.
C'est qu'on a nos adresses, depuis le temps.
Une pour les cartouches de cigarettes.
Une pour les parfums.
Une pour la bouffe et la viande.

C'est à quinze heures et des brouettes qu'on a repris l'autoroute à l'envers.
Et à seize heures dix que blasées totalement, on est revenues chez nous.
Parce que bon. L'école était finie pour les enfants et les maris allaient pas tarder à rentrer.
Alors nous, fallait qu'on enlève nos sapes de shoppeuses et de trotteuses et qu'on ait juste l'air d'avoir été faire quelques courses.

Mais n'est pas dupe qui veut.

Quand tu ramènes une caisse de Tobleronne, trois quilles de Pastis "Prado", quelques cartouches de cigarettes, du parfum et qu'en cadeau, on t'offre un super agenda où tout est écrit en espagnol...Et que de surcroît, de ton sac, tous les tickets de carte bancaire se finissent par "Gracies per la seva visita"...

Et voilà, j'ai juste envie de me faire la malle.


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