Magazine Journal intime

Feuilleton des altitudes

Publié le 04 février 2009 par Alainlecomte

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Et ce doigt pointé vers le ciel, dont la phalange est gelée, cette extraordinaire pointe de granit, à une quinzaine de kilomètres du Fitz Roy, sur la même chaîne, ne valait–il pas que l’on se déplaçât lui aussi ? Il s’agit du Cerro Torre, l’une des montagnes au monde les plus difficiles à gravir. Sa conquête à elle seule vaut un roman du monde de l’alpinisme, saga où se mêlent l’espoir, la tragédie et la suspicion. D’abord une rivalité : deux cordées italiennes en même temps, en 1957, chacune selon sa face (est ou ouest), l’une menée par le célèbre Bonatti, l’autre par un certain Detassis. Les deux échouent à cause du mauvais temps. Deux ans plus tard revient un des membres de la première cordée, Cesare Maestri, dit « l’Araignée des Dolomites ». Il est accompagné de Cesarino Fava et Toni Egger. Il n’a peur de rien et joue les bravaches (à ceux qui, deux ans auparavant, avaient baptisé un endroit le « col de l’Espoir », il répond en se moquant : « l’espoir est l’outil des faibles »). Au bout de trois jours d’escalade, ils passent la dernière nuit en bivouac à deux cents mètres du sommet. Mais la tempête s’annonce, il faut foncer. Ouf, ils touchent le sommet. Mais dans la descente le drame : une avalanche de glace énorme emporte Toni Egger. Au retour la suspicion : aucune preuve n’existe de leur exploit. Amer, Maestri remet ça en 1970. Mais comme un amoureux éconduit qui divague, il décide d’employer la manière forte. Oui, il forcera la belle (ou le beau, serait-il plus juste de dire…), au moyen de 180 kgs de matériel (un compresseur pour planter des clous dans le roc) : c’est le tollé dans le monde de l’alpinisme. Il réussit au deuxième essai. Mais encore le doute : ce glaçon au bout du doigt, fait-il partie du sommet ou n’en fait-il pas partie ? s’il en fait partie, Maestri n’est pas allé au bout de son exploit car il ne l’a pas gravi (et on le comprend ! la glace peut s’effondrer à n’importe quel moment).
On me dit que de nos jours, il y a toujours au moins un fou des altitudes qui chaque année escalade ce doigt redoutable, dont l’aspect, au loin, varie selon le temps qu’il fait (si variable en ces contrées…).

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