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Le sondeur de gouffres

Publié le 04 février 2009 par Fuligineuse

Henning Mankell est un drôle de zigue. Je croyais avoir « chroniqué » un de ses livres, La Cinquième Femme, il y a quelques mois à peine ; en fait c’était en juillet 2006 et la note a été effacée du blogue. La Cinquième Femme est un polar mettant en scène le héros récurrent de Mankell, l’inspecteur Kurt Wallander. Je disais alors (entre autres) : "la façon dont Wallander mène l’enquête est passionnante, avec ses cafouillages et ses intuitions, et surtout dans ce qu’elle révèle de la vision du monde et de la Suède actuelle" par Mankell.

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Mais l’écrivain suédois, qui partage son existence entre son pays natal et le Mozambique, n’a pas écrit que des romans policiers. (Dans mon esprit, ce n’est nullement péjoratif, ni dans un sens ni dans l’autre…) Le livre que je viens de lire, Profondeurs (en collection Points aux éditions du Seuil), est d’une étrangeté totale. Le thème : on est en octobre 1914, au début de la 1e guerre mondiale. Afin d’améliorer la défense des côtes suédoises, l’officier de marine Lars Tobiasson-Svartman inspecte les routes maritimes ; il est hydrographe. Les missions d’inspection qu’il réalise vont l’amener à faire une rencontre qui va remettre en question sa vie entière ; au terme de l’histoire, celle-ci aura complètement changé.

Ce qui m’a frappée d’abord, c’est la dureté des conditions de vie à cette époque en Suède, qui m’a rappelé d’ailleurs le film de Bille August, Pelle le Conquérant. Gens durs à la peine, durs avec les autres, durs avec eux-mêmes. Mais ce qui est étonnant et même très étonnant dans ce livre, c’est la manière dont Mankell montre pour ainsi dire de l’intérieur un personnage qui agit sans comprendre ce qui le pousse. Il en est conscient, il s’interroge, mais il ne comprend pas davantage pour autant. Il subit des mouvements d’attirance ou de répulsion d’une extrême violence. Les profondeurs sur lesquelles Mankell se penche sont autant les gouffres intérieurs (que nous abritons tous, avec plus ou moins de parapets…) que les abîmes marins dont son héros mesure obstinément les hauteurs. Tout cela est dit avec des phrases simples et courtes, une sobriété sans sécheresse, admirable, mais on sort de là laminé, tant les obscurités de l’être humain s’avèrent insondables.

Fuligineuse


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