Henning Mankell est un drôle de zigue. Je croyais avoir « chroniqué » un de ses livres, La Cinquième Femme, il y a quelques mois à peine ; en fait c’était en juillet 2006 et la note a été effacée du blogue. La Cinquième Femme est un polar mettant en scène le héros récurrent de Mankell, l’inspecteur Kurt Wallander. Je disais alors (entre autres) : "la façon dont Wallander mène l’enquête est passionnante, avec ses cafouillages et ses intuitions, et surtout dans ce qu’elle révèle de la vision du monde et de la Suède actuelle" par Mankell.
Ce qui m’a frappée d’abord, c’est la dureté des conditions de vie à cette époque en Suède, qui m’a rappelé d’ailleurs le film de Bille August, Pelle le Conquérant. Gens durs à la peine, durs avec les autres, durs avec eux-mêmes. Mais ce qui est étonnant et même très étonnant dans ce livre, c’est la manière dont Mankell montre pour ainsi dire de l’intérieur un personnage qui agit sans comprendre ce qui le pousse. Il en est conscient, il s’interroge, mais il ne comprend pas davantage pour autant. Il subit des mouvements d’attirance ou de répulsion d’une extrême violence. Les profondeurs sur lesquelles Mankell se penche sont autant les gouffres intérieurs (que nous abritons tous, avec plus ou moins de parapets…) que les abîmes marins dont son héros mesure obstinément les hauteurs. Tout cela est dit avec des phrases simples et courtes, une sobriété sans sécheresse, admirable, mais on sort de là laminé, tant les obscurités de l’être humain s’avèrent insondables.
Fuligineuse