Le Président s'est donc exprimé hier soir, simultanément sur trois chaînes de télévision, au sujet de sa politique de relance et sous la "pression sociale" ambiante.
Dans ma réponse à un commentaire, j'avais exprimé hier mes craintes quant au contenu de son intervention. Je me sens donc moralement tenu de m'exprimer aujourd'hui à son sujet, même si rédiger un article de fond mériterait une étude plus approfondie mais trop coûteuse en un temps dont je ne dispose malheureusement pas.
Je me bornerai donc à quelques réflexions jetées pêle-mêle sur ce blog. J'imagine que les commentaires ne manqueront pas de me donner l'occasion de m'expliquer plus profondément sur le sujet si nécessaire.
Tout d'abord, je me félicite que son discours n'ait pas été le signe d'un changement de cap coupable que je n'étais pas le seul à redouter. Heureusement, la politique du gouvernement reste globalement orientée dans la bonne direction, celle d'une gestion pas trop calamiteuse (moins qu'elle pourrait l'être en tous cas), d'un investissement résolu dans l'activité, et non de la distributon d'assignats (cet argent qui n'a aucune contrepartie en termes de richesses) que réclament l'opposition et, malheureusement, une partie de l'opinion.
Cependant, et je pense sous la pression des mouvements de rue que l'on a connus très récemment, il nous a fait quelques annonces que je considère quelque peu démagogiques, sans doute dans le but, voué à l'échec, de calmer à la fois les esprits et les ardeurs combattantes de certaines victimes habilement manipulées. C'est le jeu normal, en démocratie, même si les conséquences peuvent être graves, et porter préjudice à ceux-là même sous la pression desquelles des décisions déraisonnables peuvent être prises...
Ainsi en va-t-il par exemple des ces chèque-emploi-services financés par le budget de l'état, ou de cette augmentation annoncée des allocations familiales, mesure pas plus financée que la première. A cause notamment de cette absence de financement, ces deux mesures, pour ne parler que d'elles, seront par nature inopérantes : il faudra bien un jour que quelqu'un les paie, et ce ne pourra évidemment être que les contibuables, et donc ceux qui vont en bénéficier (petitement) sur le court terme. Un coup d'épée dans l'eau dans le meilleur des cas. D'autant qu'elles ne suffiront pas à calmer les mécontents.
Les aides aux "chômeurs partiels", et aux jeunes chômeurs très mal ou pas indemnisés aujourd'hui, sont elles-aussi sujettes à caution. Qui paiera ? Les entreprises ? Dans le contexte actuel, on ne voit pas bien comment. Les contribuables ? Mais alors on en revient à la case départ... Ou les deux ? Car gageons que ces 1,4 milliard d'euros représentés par les intérêts des prêts consentis aux banques ne suffiront évidement pas à tout financer. Et il le sait parfaitement...
Restent des mesures beaucoup plus sensées et qui, elles, vont tout à fait dans le bon sens. A condition bien sûr qu'elles trouvent leur contrepartie dans des économies budgétaies dont il n'a hélas pratiquement pas fait mention..
A commencer par la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu qui, elle, apporterait un vrai "plus" au pouvoir d'achat de ceux qui sont le plus à même de relancer la consommation, et donc la production (même si la production intérieure n'en sera pas la première bénéficiaire compte tenu de l'importance des produits importés, ou ré-importés à cause des délocalisations)
A continuer par la suppresion de la taxe professionnelle : cet impôt dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est mal conçu et qu'il représente un frein à l'emploi. Il y avait longtemps que beaucoup la réclamaient, cette suppression, et que personne n'osait la faire. Evidemment, les élus locaux hurlent déjà contre cette mesure. Il est absolument certain qu'elle devra être compensée au niveau local pour permettre aux collectivités territoriales de financer leurs investissements, à laquelle cette taxe est aujourd'hui affectée. Mais on est là dans le contexte de la réforme fiscale indispensable qu'il faudra bien mettre en oeuvre, même si elle doit par nature bousculer certaines "rentes de situations" et certains immobilismes institutionnels. Le problème est bien plus vaste que la seule taxe professionnelle. Il concerne toute la gamme des prélèvements et des financements publics, aujourd'hui incroyablement exagérés et trop injustement répartis. Mais ce n'est certes pas dans l'urgence qu'il faut s'y attaquer. Dans cette optique, la suppresion de la taxe professionnelle, si elle n'est qu'un élément du puzzle, est de très bonne augure.
A noter enfin cette idée des "trois tiers", qu'il avait déjà exprimée, au sujet de la répartition des excédents des entreprises (ce qu'on appelle communément "les bénéfices"). Je resterai assez prudent à son sujet. Sur le fond, je suis assez partisan du principe, lequel consiste à "couper en trois" le résultat net : un tiers pour les actionnaires, un tiers pour l'investissement, et le dernier tiers pour les salariés. Sous forme de participation, évidemment, c'est à dire hors de toute augmentation de salaire et hors de tout prélèvement social. Sinon, la mesure devient quasiment caduque, le poids des charges annulant en grande partie le bénéfice de l'opération.
C'était la grande idée du général De Gaulle en son temps que de répartir une partie des bénéfices entre les salariés. Cette idée avait été mise en oeuvre, mais de manière très timide et selon moi avec deux défauts.
Primo le fait que cette participation soit bloquée sur une période assez longue et donc ne représente pas du pouvoir d'achat immédiat. Les Français n'ont pas à être incités à l'épargne : nous sommes le pays d'Europe où cette épargne "populaire" est la plus importante en volume.
Secundo le fait que le montant en soit fixé à la discrétion de l'employeur et sans concertation effective. De deux choses l'une : ou bien on considère que le chef d'entreprise est seul maître chez lui et fait ce qu'il entend du résultat financier de ses activités, et alors l'institution même de cette participation salariale est illégitime, ou bien on considère normal que les salariés, qui ont participé, c'est une évidence, aux résulats financiers dont on parle, en perçoivent une part en retour, et il devient alors normal que le montant en soit fixé d'un commun accord avec eux.
Personnellement, je serais assez d'accord, philosophiquement, avec la première proposition. Dans une entreprise, celui qui prend les risques, et celui qui paie de sa poche (sur ses biens personnels) si les choses tournent mal, c'est le propriétaire de l'entreprise, c'est à dire le patron ou l'actionnaire (dans les PME, c'est souvent le même). Il est donc normal a priori que ce soit également lui qui perçoive les bénéfices.
Mais cette position très libérale qui n'étonnera personne de ma part, doit être nuancée. Il faut être pragmatique, et constater qu'à l'évidence une part non négligeable d'employeurs ont une certaine tendance à se comporter sans considération à l'égard de leurs salariés. Je pense que cela tient au fait que les actionnaires sont de moins en moins souvent des entrepreneurs, mais des financiers qui n'ont de regard que sur la rentabilité immédiate de leurs investissements. Je le conçois parfaitement et sans restriction de la part d'un financier. Pas de la part d'un entrepreneur, dont le premier souci devrait être, et était encore il n'y a pas si longtemps dans l'écrasante majorité des cas, la pérennité de son entreprise. Or, cette pérennité passe par l'activité et les efforts des salariés. Ce n'est pas être collectiviste ou même socialisant que de le penser et de le dire. C'est tout simplement voir les choses telles qu'elles sont.
Or, une des conséquences de la manière d'opérer de ces "investisseurs non-entrepreneurs" dont je parle, c'est la non prise en compte des droits légitimes des salariés de l'entreprise. Et je ne parle pas ici des seuls droits issus de la législation, laquelle devrait n'être là que pour contrer les abus.
Le respect de la liberté des entrepeneurs, qui passe par le respect de leur droit de propriété sur leur entreprise, et donc corolairement par le respect de leur liberté d'utilisation des "bénéfices" de celle-ci quand ils existent, est la traduction naturelle et littérale de la philosophie libérale dont je me réclame haut et fort. Mais cette philosophie libérale n'est applicable dans les faits que si elle n'est pas utilisée comme un alibi pour se comporter en rapace et en prédateur. "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres", dit l'adage populaire. Eh bien ! Respecter la liberté des autres, c'est aussi respecter la valeur du travail des autres. Et ce n'est pas les considérer comme de la matière jetable (le "matériel humain", m'a dit un jour un DRH !).
Rassurez-vous, je ne suis pas devenu "gauchiste" ! Et je sais bien qu'il faut également prendre en compte les impératifs de la concurrence, et notamment de la concurrence internationale. C'est dans cette optique que je maintiens sans cesse que d'une part les rémunérations ne peuvent et ne doivent être fixées qu'en fonction des possibilités réelles des entreprises, et dans la conjoncture actuelle le moins est de dire qu'elles ne sont pas immenses, et que d'autre part les effectifs doivent être fixés au minimum nécessaire. Tout cela porte un nom : c'est de la bonne gestion. Mais il convient aussi de ne pas aller d'un extrême (sur-effectifs et salaires insupportables charges comprises) à l'autre (sous-effectif notoire et salaires de misère, voir délocalisations injustifiées).
J'en reviens à mes moutons : l'idée de la participation aux bénéfices est de mon point de vue une bonne idée. Que cette participation représente une part de la rémunération est très positif. Que les sommes issues du dispositif participatif soient disponibles immédiatement, et non soumis à cotisations sociales, ni pour le salarié ni pour l'employeur, en ferait un gain de pouvoir d'achat important.
Que la part des résultats affectée à cette participation soit fixée de concert entre employeur et employés m'apparaît indispensable.
Corolairement, que cette part soit fixée par la loi (que ce soit le tiers ou toute autre proportion) représenterait une ingérance inacceptable de l'état dans la gestion des entreprises. C'est pourquoi je pense que Nicolas Sarkozy a tout à fait raison "de mettre cette idée sur la table", parmi d'autres, et de provoquer la concertation entre patronat et syndicats, concertation dont le coup d'envoi sera donné le 18 février prochain si j'ai bien compris. Ce n'est pas à l'état de décider, c'est aux entreprises et aux représentants des salariés de se mettre d'accord.
Il n'y a plus qu'à espérer que les idéologies resteront au vestiaire lors de cette réunion, même si c'est peu probable.
CE QUE JE CROIS EST MEMBRE DU RESEAU LHC
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