Ou plutôt boulot buissonnier.
Depuis quelques temps, j’ai recommencé à me lever outrageusement tôt le matin, afin d’être à la station de métro Jolicoeur avant 7h50, car à partir de ce moment, prendre l’autobus en direction du travail relève de la mission impossible.
Jeudi matin, je suis donc partie de chez moi vers 6h40, dans un froid glacial et un jour qui se levait à peine. À une heure aussi matinale, la fréquence des passages du métro laisse à désirer. Lorsque les coquets wagons d’un bleu rétro-kitsch ont enfin daigné faire leur apparition, un message en provenance de Voix-de-Cacanne a gentiment avisé les usagers que le service était interrompu pour une durée indéterminée entre les stations Lionel-Groulx et Angrignon. Eh, merde. Tout juste là où je devais me rendre. Et j’habite à peu près au milieu de la section comprise entre Berri-UQAM et Honoré-Beaugrand, alors autant dire que la STM devrait me verser une ristourne pour le si bon usage que je fais quotidiennement de la ligne verte.
Mais je n’étais pas au bout de mes peines. Voix-de-Cacanne s’est fait entendre une, deux, trois fois, sans jamais évoquer l’heure de la reprise du service. Louche. Seule explication, une panne de service nous oblige à interrompre blablablablabla.
À Lionel-Groulx, rien à faire. Nous avons dû évacuer les wagons. Cette fois-ci, Voix-de-Cacanne a mentionné un “bris mécanique”. Ah, ben. Méchant bris, mes amis. Des policiers et des superviseurs de la STM nous ont carrément ordonné de quitter le quai et d’aller faire la queue dehors, histoire de prendre un bus spécial qui longerait le parcours de la ligne verte vers l’ouest. Évidemment, une fois à l’extérieur, nulle trace d’un quelconque autobus. Les travailleurs, écoliers et autres badauds se sont entassés, ont maugréé, ont gelé, et toujours pas d’autobus.
Après avoir longuement patienté, j’ai dû me résigner à rebrousser chemin. Primo, j’avais l’impression d’attendre la résurrection d’Elvis, ou tout autre événement qui ne risquait pas de se produire à l’instant même devant mes yeux ensommeillés. Secundo, la faim me tenaillait férocement l’estomac et je devais absolument me nourrir pour éviter de défaillir au beau milieu d’une foule de Montréalais pressés et légèrement moins contents que la madame de Wal Mart.
Alors, tant qu’à attendre indéfiniment que Super Employé de la STM arrive à la rescousse d’un métro en panne, bondé et frôlant le chaos, j’ai décidé de bouder la ligne verte. L’objet de mon cocufiage: la ligne orange, en direction de la station Mont-Royal. À quelque pas de la station, je suis allée me régaler d’une superbe assiette (m’enfin, son contenu) et d’un bol de café au lait au Caffè Art Java. Puis, à peine quelques minutes après m’être attablée, j’ai reçu, coup sur coup, des messages textes de deux collègues éducatrices qui me suppliaient de les remplacer pour l’après-midi, car elles étaient toutes deux fort mal en point. Ce à quoi j’ai répondu qu’elles devaient contacter directement le CPE parce que j’étais moi-même dans une bien fâcheuse situation. Car, nous le savons, tremper des fruits frais dans du chocolat pur est effectivement la plus fâcheuse des situations!
[Ce qui me porte à me demander... Elles ont "callé malade" via SMS. Doit-on alors dire "texter malade"?
]Une fois ma panse bien remplie, j’ai mis le cap sur Berri-UQAM. Là, le chaos. Encore plus chaotique qu’à Lionel-Groulx. Le service était maintenant perturbé sur l’entièreté de la ligne en direction ouest (évidemment, heh!). Il devait y avoir des milliers de gens entassés près de la rame de métro, que des policiers tentaient de faire reculer par précaution. Puis, ma bonne alliée, Voix-de-Cacanne, s’est prononcée à nouveau sur le sort réservé à nous, humbles usagers en proie à une lassitude qui augmentait de minutes en minutes: nous n’allions pas pouvoir mettre à profit nos 68, 50$ bien investis avant 9h30.
Il devait être à peine plus de 9h00. À ce moment-là, j’ai jeté un regard panoramique sur la foule comprimée en masse grouillante et gueularde et j’ai lâché, assez fort pour que mes voisins m’entendent: forget it. Avec tous ces gens qui faisaient le pied de grue le long de la rame dénuée de tout métro, toutes ces stations bloquées depuis au moins 7h00, il aurait probablement fallu que j’attende un métro, un autobus ou, accessoirement, l’invention de la téléportation jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Comme mourir n’était pas une option, j’ai fait le chemin inverse et je suis retournée à la maison. À mon retour, il était environ 9h40. Trois heures plus tard, j’étais revenue à la case départ en m’étant rendue guère plus loin que les environs du métro Lionel-Groulx.