Magazine Humeur

Crise du quotidien

Publié le 22 août 2007 par Jlhuss

Par Arion

L’intérêt des vacances c’est moins le repos que le recul, ou disons le repos d’un esprit qui prend ses distances. Dans cette période, le panier de la ménagère nous indiffère presque autant que l’angine blanche de Cécilia ; les exploits du dernier violeur nous émeuvent à peine plus que la vérité sur le Onze septembre ou le fracas d’un car de pèlerins. Laissez-nous jouir un peu, oublier le devoir de mémoire, amnistier le crime d’indifférence, savourer le jour qui passe sans quotidiens… Fi des journaux ! la  seule information qui nous importe : l’air du temps, l’aire de la pluie et du beau temps, le fond de l’air et son air de faux jeton à vous ramener toujours des dépressions au petit-déjeuner en se prétendant le meilleur ami de l’anticyclone. Si comme moi vous n’étiez pas « sur la Côte » -on ne demande même pas laquelle, et soit dit en passant, à force de s’y presser de partout, elle va bien finir un jour par pencher, cette côte, chavirer comme une vedette suisse et vous jeter ce beau monde à la flotte, avec tout le bâti et le parc automobile au risque d’un tsunami sur Alger : c’est toujours les mêmes qui pâtissent, les pauvres… Bref, si vous n’étiez pas sur la Côte mais quelque part dans le Nord, le Centre, l’Est ou l’Ouest  (oh ! les ploucs !) ; si vous n’avez vu le soleil qu’entre deux canastas, deviné la chaleur d’été entre deux flambées dans l’âtre, j’espère que vous aurez su quand même vous désinformer, rentrer fourbus de la chasse aux escargots ou de la pêche à la grenouille et dîner à point d’heure, mettons 20h40 : fin du journal et de ses prodiges, magique moment de la météo ! « Demain, pluie généreuse, 17 degrés, sauf dans le Midi. » J’étrangle celui qui me parle encore du réchauffement et de l’épuisement de la nappe phréatique. Faisons mine de dédaigner les fous du bronzing, surfing, dancing, camping. Laissons-les se cuire les miches, se préparer des mélanomes. Au moins nous, on a une maison de famille, saine, authentique, avec four à pain, cheminée et cetera. Là, cet été, si je bois la tasse, ce sera de tisane. Le 15 août, pour la veillée mariale, qu’est-ce vous diriez d’un petit feu ?  Et c’est à cet instant que nous manifestons hautement, nous aussi, la relativité du quotidien : en brûlant du journal sous des bûches. Pas le journal du jour, qu’on n’achète pas, qu’on n’aurait pas le temps de lire : il y a tant à faire à la campagne par temps de pluie ! On en retrouve un d’avril, qu’on n’a pas pu brûler car  il faisait « chaud comme en été »… On tire une feuille : les têtes de Nicolas et de Ségolène (comme le temps passe ! on ne voit plus que celle de Nicolas) ; un titre : «Sarko c’est chaud, la gauche est sur le gril ».  Rien de nouveau sous le soleil. Je le froisse, une allumette et hop !  Mais attention : après survol ou lecture studieuse, chaque journal a son usage. Tout dépend du papier, du format. Le Monde est excellent pour bourrer les chaussures après l’averse. Match fait de bonnes torches pour les vieux fourneaux à butane. L’Huma était parfait pour les cuivres, mais on ne le trouve plus. Marie-Michèle me dit que rien ne vaut Le Figaro pour les vitres…  L’information, c’est pour l’automne. On prétend qu’il sera chaud. A Paris, la plage est sur les quais, la grève sur les boulevards. Les journalistes espèrent avoir du grain à moudre et nous aurons mangé notre pain blanc.  Arion

Retour à La Une de Logo Paperblog

Dossier Paperblog

Magazine