Ceux et celles d'Antinoé
Dans cette ville d’Antinoé il y a douze monastères de femmes. Dans l’un d’eux
j’ai rencontré amma Talis, une vieille moniale ayant
quatre-vingts ans d’ascèse. Avec elle habitaient soixante jeunes filles qui
l’aimaient tellement qu’il n’y avait pas de clé à la clôture du monastère,
comme dans d’autres, tant elles étaient dominées par l’amour d’amma Talis. La
vieille femme parvint à un tel degré d’impassibilité que, lorsque j’allai la
voir, elle vint, s’assit avec moi et posa ses mains sur mes épaules dans un
transport de franchise. Dans ce monastère, il y a une vierge, sa disciple, du
nom de Taor, qui a passé trente ans en communauté, mais n’a
jamais accepté de recevoir un vêtement neuf ou un voile ou des chaussures,
disant : « Je n’en ai pas besoin, ainsi je ne suis pas forcée de sortir. » En
effet, toutes les autres vont le dimanche à l’église pour la communion. Mais
Taor restait dans la résidence, vêtue de haillons, assise sans interruption à
l’ouvrage. Or, elle avait le visage si parfaitement gracieux de nature, que le
plus ferme aurait été séduit par sa beauté, si elle n’avait eu sa chasteté,
comme sauvegarde supérieure : elle ramenait par sa modestie l’œil libertin au
respect et à la crainte.
évêque Pallade : vies
d'ascètes et de Pères du désert