On peut « désirer » la mort de quelqu’un et lorsqu’il est parti, s’apercevoir qu’on ne lui en veut pas.Seulement voilà, cette personne (que je peux appeler mon oncle puisqu’il aura vécu 20 ans auprès de ma tante), cet oncle, une personne cultivée, supérieurement intelligente à mon sens, aux milles vies, a passé les dernières années de sa propre vie à s’auto détruire et à faire du mal à son entourage.
Déchaînant les haines et les passions.
Du coup, je n’avais plus envie de l’approcher, j’avais même peur de lui. De ses réflexions, de son narcissisme, de sa « supériorité », de sa misogynie, son dégoût des autres et de lui-même, finalement, surtout.
Hier, lorsque je suis allée lui dire au revoir dans son antre (cet endroit qu’il ne quittait que rarement ces derniers temps) je l’ai vu apaisé, droit, allongé, un paquet de cigarettes dans sa poche gauche. Cigarettes et alcool dont il a abusé jusqu’à la moelle, qui l’ont emmené dans des zones d’ombres terrifiantes, qui l’ont peut être soulagé aussi, qui sait.
Bref, je me suis dit et je lui ai dit :
« Ça y est tu y es ; Tu sais. »
J’ai été soulagée pour lui, heureuse presque en lui souhaitant que cela soit un passage de lumière et pas le néant dont il avait peur.
Il a percé le mystère, celui qui nous ramène à la poussière. Le mystère de la vie et de la mort, grands thèmes de ses monologues, de son éternel questionnement
« Qui et que sommes nous en fait ? »
J’ai vécu dans la même maison que cet homme, j’ai écouté ses conseils, ai été fascinée comme bon nombre d’autres. J’ai subit ses moqueries, supporté sa méchanceté envers les personnes que j’aimais.
J’ai passé du temps avec son fils d’un premier mariage qui venait passer ses vacances auprès de son père et partageait des moments avec notre famille.
Il était là, perdu au milieu des autres ces dernières 48h et c’est en voyant les larmes et le désarroi de ce fils, mon cousin, que j’ai pris conscience à nouveau de l’importance de chaque être sur cette terre, de la fragilité des choses, de ce qui nous relie entre tous, malgré l’amour, l’éloignement, la haine et les conflits.
La disparition de Jacques (il aurait sourit en l’apprenant) aura eu le bénéfice de me rapprocher de mon propre père, loin d’être parfait lui aussi, à qui j’en ai tellement voulu pour tout un tas de raisons ; je refusais d’ouvrir les yeux, de me laisser aller à la compassion et au partag
Nul n’est parfait finalement, c’est un travail sur soi constant…
Ce qui m’a le plus remuée à l’enterrement, sur fond de musique Soufi, de cet oncle, marseillais d’origine, chirurgien reconnu et rejeté, franc maçon, érudit et curieux, c’est un texte écrit de sa main, texte qui a été lu à haute voix.
Je le retranscris ici ; j’aurais aimé que les gens emplis d’amertume à son encontre l’entendent...
Je demande pardon
d'avoir été cet être
et puis d'avoir voulu jouer les jeux
imbéciles d'un faux reflet
d'un mirage et de tous les mirages
Je demande pardon
d'avoir voulu reculer les limites de la mort par insécurité
d'avoir considéré le temps
d'avoir cru en quelque chose d'autre
Je demande pardon
d'avoir combattu l'inhumain
c'est à dire l'humain
en somme de n'avoir pas obéi au plan
qui ne commence pas avec nous
Je demande pardon
de mon moi démesurément grossi de telle sorte
qu'on n'en voit jamais qu'une petite partie
Je demande pardon
de ne l'avoir pas réduit au point de le voir dans le tout
et ainsi de comprendre dans le sens large
de l'histoire du temps
qu'il n'y a que des histoires et de temps relatifs
et même qu'il n'y en a point
Je demande pardon
d'avoir cru modifier l'autre
et ainsi mal aimé
parce que je ne m'aimais pas
je ne nommerai plus
je ne réduirai plus en tranches infimes
j'obéis
vous êtes le tout part de moi même