La dispute

Publié le 22 août 2007 par Joëlle Sacré
Bic rouge et Bic bleu se disputaient au fond du plumier. La discussion, au départ sereine et complice, avait rapidement dégénéré car Bic rouge avait une fois encore abusé de son autorité. Bic bleu parlait d’amour, de tendresse et de Bic vert qui le matin même s’était vu refuser l’entrée de la trousse à deux places du sac à main de Mirza.
C’est vrai, que peut-on faire avec un bic vert, dans la vie de tous les jours ? déclara hautain, Bic rouge.
Offusqué et un rien aveuglé par ses sentiments, Bic bleu s’en étrangla presque. Son encre se mit à perler à l’entrée de sa pointe métallique et il argumenta à son tour que l’on pouvait tout écrire avec du vert, à condition de rester dans la douceur.
Bic rouge n’en croyait pas ses oreilles. Sectaire et sanguin, il affirma qu’il n’existait que deux couleurs valables : le bleu pour écrire et le rouge pour le corriger. Cette dernière remarque fut la goutte qui fit déborder le vase : le bleu n’était-il pas la couleur de l’apprentissage et le rouge celle de la domination ? Bic rouge fut traité de tyran, tandis qu’il donnait à Bic bleu des noms d’oiseau.
Les deux bics s’agitaient : Bic bleu en avait assez d’être raturé, Bic rouge exigeait des excuses. Tout occupés à se chamailler, ils ne se rendirent pas compte que leur encre se mettait à couler de honte et de rage. Il en résulta une énorme tache bicolore au fond du fourre-tout.
Soudain, la pochette s’ouvrit et un cri perçant fendit l’air : Mirza venait de découvrir la catastrophe. Aussitôt, elle fouilla son tiroir et en retira un superbe bic noir qui toisa les deux compères en dispute. Il se coucha à leurs côtés dans le plumier et la petite fille retira les bics fautifs avant de refermer la tirette.