C’est vrai, que peut-on faire avec un bic vert, dans la vie de tous les jours ? déclara hautain, Bic rouge.
Offusqué et un rien aveuglé par ses sentiments, Bic bleu s’en étrangla presque. Son encre se mit à perler à l’entrée de sa pointe métallique et il argumenta à son tour que l’on pouvait tout écrire avec du vert, à condition de rester dans la douceur.
Bic rouge n’en croyait pas ses oreilles. Sectaire et sanguin, il affirma qu’il n’existait que deux couleurs valables : le bleu pour écrire et le rouge pour le corriger. Cette dernière remarque fut la goutte qui fit déborder le vase : le bleu n’était-il pas la couleur de l’apprentissage et le rouge celle de la domination ? Bic rouge fut traité de tyran, tandis qu’il donnait à Bic bleu des noms d’oiseau.
Les deux bics s’agitaient : Bic bleu en avait assez d’être raturé, Bic rouge exigeait des excuses. Tout occupés à se chamailler, ils ne se rendirent pas compte que leur encre se mettait à couler de honte et de rage. Il en résulta une énorme tache bicolore au fond du fourre-tout.
Soudain, la pochette s’ouvrit et un cri perçant fendit l’air : Mirza venait de découvrir la catastrophe. Aussitôt, elle fouilla son tiroir et en retira un superbe bic noir qui toisa les deux compères en dispute. Il se coucha à leurs côtés dans le plumier et la petite fille retira les bics fautifs avant de refermer la tirette.