S’il y a un sujet de conversation qu’on ne rate jamais en caisse c’est bien la pluie et le beau temps. Et finalement, je ne vais pas m’en plaindre, car même si le sujet est redondant sur une même journée, je trouve cela bien mieux que de ne rien dire, et je trouve cela bien de communiquer humainement, de parler et d’écouter, quelqu’en soit le sujet. Mais quand le climat s’acharne, les clients aussi.
Hier, la neige impromptue, a réveillé l’instinct de communication de la clientèle qui n’avait de cesse de parler de ces précipitations quelques peu « frigorifiantes ». Mais nous sommes en Février, l’hiver est à son comble cette année. Il faut dire que depuis plus d’un mois, le temps ne nous fait pas vraiment de cadeau : entre la pluie, les tempêtes, le froid, la neige en prime, nous avons un véritable hiver, froid et du genre très humide.
Dès les premiers clients à 9h les commentaires fusillaient déjà les flocons qui recouvraient en totalité le parking. « Ah mais c’est pas possible ce temps , ça ne va jamais s’arrêter ! » , « Bouh, il fait froid aujourd’hui ! C’est pas le moment de traîner dehors », « Vous au moins vous êtes bien à votre caisse, vous êtes à l’abri », « Oulala, j’ai failli me casser la figure en entrant ! C’est dangereux toute cette neige, ça glisse ». En général je joue les compatissantes, les compréhensives, même si j’ai parfois envie de leur expliquer que nous sommes en hiver et que s’ils ne voulaient pas se geler les roubignoles à l’extérieur et prendre le risque de se péter la clavicule, il ne fallait pas sortir ni venir faire ses courses.
Quelle routine climatique tous ces gens qui ont froid et qui se plaignent ! Un vieux client arrive , il rigole et rigole et rigole encore avec un rire fort et gras, en baragouinant je ne sais quoi, et riant encore et encore et en terminant par « Restez au chaud ! ». Son rire était tellement drôle et réchauffant que je n’ai pu m’empêcher de rire moi-même. Un peu plus tard, un autre vieux client, lui, n’a pas cessé de se plaindre qu’il ne pourrait pas planter ses oignons « Temps de merde, je vais même pas pouvoir planter mes oignons, mon jardin c’est de la soupe ! ». Un autre, celui qui m’avait gratifiée d’une charmante blague m’explique que ce soir, pour se réchauffer , -et là je crains le pire au souvenir de la fameuse blague salace qu’il m’eut racontée-, il allait manger une soupe du périgord. Fiou ! Rien de cochon ! « Et vous savez ce que je mets dedans ma soupe ? » , « Euh, non. » mais je me doutais bien du genre d’ingrédients. « Et bien j’y mets des carottes, des poireaux, des haricots blancs, des tranches de lard, des restes de saucissons et des pommes de terre ». Et tout ce que j’ai trouvé à lui répondre c’est « Oh bah c’est léger dites-donc ! ».
Et puis après, d’autres plaintifs sont arrivés. Et puis un espèce de monsieur un peu hautain, sûr de lui, prétentieux a commencé un discours que j’ai trouvé bourré d’ineptie : « Ha la la, les gens ne savent vraiment pas ce que c’est que l’hiver, il fait froid en février, il neige en février, en février, et après ils se plaignent qu’il n’y a plus de saisons, comme si c’était la première fois qu’ils voyaient ça , vous devez en avoir marre de les entendre ces gens ». Et moi de répondre « Et bien, non, à vrai dire c’est agréable de voir que les gens ont envie de parler , et puis il faut dire que l’hiver, aussi hiver soit il, nous a donné un peu trop d’humidité, la rogne des gens se comprend ». Tout ça pour lui dire que peu importe la conversation, c’est d’humanité dont il s’agit, et la communication, parler, discuter, bavarder, n’est-ce pas ce qu’il y a de plus humain en soi ?