Wassa
Toute petite, endolorie, frigorifiée, tu reposes inerte sous le drap mince de l’hôpital. Tes yeux, accrochés au plafond blafard qui surplombe ton lit, ne voient pas la famille bruyante qui bavarde de l’autre côté de la chambre. Une langue que tu ne comprends pas, un murmure incessant qui roule dans ta tête, sans parvenir à chasser de ton esprit les idées noires qui t’envahissent. Le fleuve aux eaux poussiéreuses ne t’a pas lavée. Tu te sens toujours sale, maculée de vie.
Tu fermes les yeux, d’un soupir faible, que nul ne peut entendre.
Le temps s’arrête, avec les papotages qui cessent autour de l’autre lit. Le jour ou la nuit, tu ne sais plus. Qu’importe.
La grosse femme émerge peu à peu de l’ombre de ta conscience. Elle s’est assise, près de toi, sur une chaise. Elle porte la robe blanche d’un ange. Sa voix douce te berce.
Mon enfant, ma sœur, qui es-tu ? Que fais-tu ? Quelle est cette tristesse qui pleure dans ton cœur ? Dis-moi ! Dis-moi ! Parle-moi ! Raconte-moi !
Tu la regardes. Son visage calme, rond, lumineux te rassure, comme celui d’une mère, quand l’enfant parait. Tu reprends ton souffle.
Je m’appelle Wassa. Je viens d’un petit village, près de Bamako. J’aime me promener le long du fleuve aux eaux puissantes, et regarder les pêcheurs, debout sur les vagues. J’aime marcher pieds nus sur la terre ocre et sauvage. J’aime les chants que psalmodient les femmes de mon village, quand elles préparent le repas du soir.
Ha ! Bamako ! Petite sœur, mon grand-père aussi venait de Bamako. Mais c’était il y a si longtemps. Il m’a raconté tout cela, oui, les pêcheurs sur le Niger. Les femmes qui chantent. La poussière ocre des chemins qui se mêle aux rayons du soleil.
Tout doucement, tu pleures, sans bruit.Tes larmes portent le goût amer d’une infinie nostalgie.