L’infirmière te regarde toujours. Son empathie te réchauffe. Tes pleurs se déversent comme un torrent vivant, une rivière rapide qui court vers le fleuve, qui t’emporte sur une barque frêle, en tourbillonnant. La main de la femme, large et pesante, donne à ta propre main les élans nécessaires pour traverser les cascades. Tu respires.
Heureusement, l’enfant va bien !
Les yeux immenses, penchés sur toi avec tant de bonté, cherchent tes yeux. Tu ne comprends pas de quel enfant parle-t-elle. Est-ce toi, l’enfant ? Mon enfant, ma sœur, t’a-t-elle dit à ton réveil.
Ha ! Tant mieux, réponds-tu poliment.
Oui, l’enfant nous a fait une grande frayeur, quand nous t’avons sortie de l’eau, mais il va bien. On raconte que l’eau est l’élément naturel des bébés.
Un enfant ? Mais je n’ai pas d’enfant. Je suis entrée seule, dans cette eau glacée, pour me laver, pour me purifier, pour le nettoyer.
La femme douce et souriante dodeline sa grosse tête au dessus de toi. Ses cheveux remuent comme un palmier sous le zéphyr.
Ton enfant, mon enfant, précise-t-elle. Cet enfant que tu portes comme un trésor dans le creux de ton ventre.
Mais ...
Tes mots s’estompent dans le silence de la chambre. Tes pensées disparaissent dans le néant ouaté de l’incompréhension. Et pourtant, elle continue, son flot de paroles douces t’effleure comme des ailes invisibles, sans te toucher.
Tu attends un bébé, mon enfant. Un petit bébé de quatre mois déjà. Il ne se voit pas encore sur les frontières de ton corps svelte, mais son cœur bat déjà, ses pieds courent déjà, ses mains applaudissent déjà, ses paupières s’ouvrent et se ferment déjà, ses lèvres vibrent déjà des mots d’amour qu’il souhaite t’envoyer.
Un soleil doux lèche les vitres de la fenêtre. Pourtant, tu ressens comme une nuit, un froid dur, des lames d’acier.
La femme est partie, te laissant seule avec cet enfant, à la lisière de l’ombre.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble