La situation antillaise
Publié le 17 février 2009 par SaucratesRéflexion une (17 février 2009)
On ne parle pas énormément de la situation aux Antilles et tout particulièrement en Guadeloupe dans l'Hexagone (pour ne pas écrire France métropolitaine). Et pourtant, les guadeloupéens vivent une situation de grève générale, quasi insurrectionnelle, depuis plusieurs semaines. Tous ne sont pas en grève et nombre d'entre eux sont simplement les victimes d'une prise en otage de l'ensemble de l'économie antillaise. Comme tout le monde dans ce cas-là, dans un lieu où tout le monde connaît tout le monde, où tout le monde se voit et sait ce que fait le voisin, on est souvent obligé de se joindre parfois aux mouvements de grêve, de s'afficher au côté des foules ...
Pour la forme, il faut aussi savoir que certains de mes très bons amis (ou amies) sont guadeloupéens ou martiniquais, et qu'ils me lisent parfois ...
Que peut-on dire donc de cette situation guadeloupéenne ? Premièrement, les Antilles ont l'habitude de ces mouvements sociaux longs et destructeurs. Il y a un peu plus d'une décennie, une grève de plus de trois mois avait déjà paralysé l'économie antillaise et notamment le secteur des banques dites AFB ... Au final, il était sorti peu de choses de cette énorme grève ... Mais les banques AFB avaient perdu dans ce conflit les deux tiers de leurs clients et les principaux gagnants de cette grève avaient été leurs concurrentes, les banques mutualistes (Crédit Agricole et Banques mutuelles).
Ce n'est donc pas une situation exceptionnelle, pour la Guadeloupe.
Il me semble aussi que les organisations syndicales et politiques hexagonales auraient tord de prendre partie pour les 'révoltés' guadeloupéens ou martiniquais, car les relents indépendantistes de ces mouvements sociaux antillais (et surtout guadeloupéens) présentent tout particulièrement des connotations racistes (ou raciales), à l'inverse de ce que l'on défend ou conteste dans l'Hexagone. On entend notamment dans ces manifestations des slogans anti-blancs, même si cette situation est commune à l'ensemble de l'outre-mer français (se rappeler la chasse aux blancs/mzungus mené à Mayotte par certains partisans anjouanais). Certains l'expliquent par un chômage plus élevé dans ces îles que dans l'Hexagone, qui fleurtent avec une proportion de 20% de la population active (30% à la Réunion). Mais depuis quand trouve-t-on normal le racisme en France sous prétexte d'un chômage important ? En Guadeloupe, l'ouverture des commerces appartenant à des blancs métropolitains est ainsi empêchée par les manifestants, alors que les commerces appartenant à des guadeloupéens ne sont pas inquiétés.
Un tel climat xénophobe me conduit à être extrêmement réservé sur un tel mouvement social. Il ne fait pas toujours bon être blanc dans de telles manifestations, ou certains ont vite fait de vous suspecter de représenter l'état ou les renseignements généraux ...
Les revendications avancées par les manifestants ne me semblent pourtant pas si incompréhensibles. Elles visent notamment la vie chère, qui est une réalité dans ces géographies, résultant de politiques de marges commerciales élevées pratiquées par un certain nombre de commerçants riches (souvent békés), dont certains font financer l'expansion internationale de leurs 'empires' commerciaux sur le dos de leurs compatriotes guadeloupéens moins fortunés.
Il y a clairement un problème de fixation des prix dans ces géographies, que ce soit aux Antilles, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française ou à Wallis-et-Futuna ... La raison en est d'abord géographique : tout bien supporte des frais d'expédition qui en renchérit le coût, sans qu'il soit possible de produire des substituts localement en raison de l'étroitesse des marchés, le niveau élevé des salaires au standard français, et l'absence de matières premières disponibles localement (à part le nickel en Nouvelle-Calédonie) ...
Mais demander une revalorisation générale des salaires de 200 euros pour tous les salariés ne constitue pas une réponse crédible à la crise dans ces départements, puisque cette revalorisation se répercutera invariablement sur les prix des produits commercialisés. A moins que l'état ne finance cette revalorisation en acceptant d'accorder des exonérations supplémentaires de charges aux entreprises ... Mais cela signifiera prochainement que l'état français ne collectera pratiquement plus aucun impôt dans ces géographies, qui bénéficient pourtant déjà très largement de la solidarité nationale et de la solidarité européenne.
Le risque est grand que face à de telles revendications raciales et autonomistes, face aux risques d'explosion sociale ainsi que de violences à l'encontre des ressortissants métropolitains, le gouvernement français ne réponde favorablement à la demande d'indépendance d'une partie de la population, avec toutes les conséquences imaginables de disparition des dispositifs sociaux français qui font vivre une partie de la population et de l'économie guadeloupéenne.
Saucratès
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