La nuit te réveille. Tu ramasses tes habits en boule au pied du lit. Ta voisine ronfle. Tu enfiles ton jean, ton pull, tes chaussettes, tes baskets, encore humides, gonflées d’eau. Tu te faufiles dans l’ombre furtive. Les lumières vertes des issues de secours tracent sur le plafond des chemins de traverse. La cabine de la surveillante principale reste vide. Tes pas sur les marches de l’escalier chuchotent à peine. Le ballet des camions rouges, leurs phares éblouissant, les silhouettes blanches au pied des brancards. Tu commences à courir, sur l’asphalte rugueux. Une nouvelle obsession t’envoûte. Te purifier dans le sang. L’eau du fleuve sale n’a pas suffit. Tu cours, à perdre haleine. L’image du sang t’envahit. Un fleuve de sang pour laver la souillure de ton corps. Malgré l’enfant. Tu cours encore. Le bruit des couteaux claquant la planche de bois t’attire. L’arrière cours d’une boucherie, tu entres, l’homme te regarder, mal éveillé, le couteau, rouge du sang de la bête, se dresse. Tu lui arraches. Il crie, te poursuit, s’essouffle. Tu cours toujours. Il en va de ta survie. La tour de verre, sombre, droite, immense. Tu reconnais l’entrée. Tu vas et tu viens. Le parking s’ouvre. Un véhicule utilitaire passe, à pas lent. La barrière se lève. Tu t’engouffres dans la descente. L’obscurité devient de plus en plus tenace. Sa voiture est là, immobile, portes ouvertes, phares allumés. Tu tournes ta tête à droite, à gauche, tu ne comprends pas. Personne. Tu restes là, le couteau glacé contre ta peau. Tes tempes cognent. Tu entends des voix, soudain. Tu te caches dans le coffre arrière, lovée comme une louve, les sens aux aguets, le regard affûté. Les bruits de portes claquent. Ton corps roule dans les mouvements du véhicule. Dans ta main, le manche du couteau te rassure.