Kira
Dans la maison vide, je vais seule, traînant mon âme en peine de pièce en pièce. A l’écho de chacun mes pauvres pas, répond un autre pas, lent, indécis, frôlant le parquet précieux d’une caresse machinale. J’allume la télévision, mais les visages bienheureux du téléachat me donnent la nausée. J’erre jusqu’à l’ordinateur. Un instant, je tchatte avec Oksanna mais, très vite, elle me quitte, un rendez-vous galant, m’explique-t-elle, la chance de sa vie. J’appelle Mère sur Skype. Sa voix lointaine, grésillante, se met à geindre, je l’imagine se tordre les mains, ressasser les mêmes histoires, la mort de Père, le prix du poisson, le mauvais temps qui dure. J’ouvre la radio. Les publicités me désespèrent. Je cherche des musiques douces, je ne trouve que des chansons mélancoliques, dont les larmes sirupeuses m’entraînent vers de nouveaux bas-fonds. Je me douche. Je me baigne. L’eau n’a plus de saveur. Elle coule, fade, sur ma peau inerte. Je m’habille. Je tourne devant les glaces de l’armoire, dans la chambre silencieuse. Je me déshabille. Je me rhabille. J’appelle les vendeuses de l’Avenue Montaigne. Elles restent polies, mais elles manquent de temps, les affaires vont bien. Je me déshabille encore. Je n’ai pas de nouvelles de B. Les dîners deviennent plus rares, les invités du soir ne franchissent plus le seuil de l’appartement. Je m’ennuie à mourir. Les heures succèdent aux heures. Je commande deux pizzas. Je grignote quelques miettes de la première. Je ne sais que faire de l’autre. Toujours pas de nouvelles, rien. Je me couche sans sommeil.