Magazine Journal intime

Baguenauder

Publié le 21 février 2009 par Lephauste

Parfois c'est un mot qui vous tire par la manche, comme un môme persuadé que sinon vous allez l'oublier au rayon des joués en sortant du supermarché. C'est un mot dont vous ne savez pas d'où il vient, vous pourriez aller voir dans le dictionnaire savant des étymologies populaires, ça vous aiderai à vous rendormir. Vous ne dormez plus, vous vous prendriez presque pour Cioran, ce suicidé de métier, cet artisan de l'insomnie, ce ... Alors vous vous relevez et faites comme si les corneilles avaient déjà battu le rappel, au dessus du cimetière tout proche. Vous vous faites un café, deux tartines, heureusement que vous vivez seul, si on vous voyait c'est évident que c'est à Sainte Anne que l'on confierait les restes de votre entendement. Sainte Anne, Paris 14e, pas loin de la Santé, tout près de Porc Royal, là où il y a Cinquante ans, vous naquitent, avec l'espoir de rater l'entretien d'embauche. 1959, tout un siècle de joies pures. Une fois que les tartines sont passées et le café fraîchit but jusqu'au marc, vous ouvrez la machine, vous vous en faîte reconnaître. Cette machine sur laquelle vous vous escrimez à faire croire que ma foi, vous possédez malgré les touches, un sacré brin de plume ! Et caractère après caractère vous le frappez ce mot :

... B ...A ... G ... U ... E ... N ... A ... U ... D ... E ... R ... 

Bien entendu la machine, quand vous lancerez la correction orthographique automatique, elle vous dira qu'elle connaît pas et vous proposera des approximations du genre de : Bague nos dés ? Bas-Guénodé (village breton) ? Bagad (groupe de musiciens basques réfugié dans les côtes d'armoire normande) ? Pas de suggestion ? Ignorer ce mot ? Ignorer tout ? Et vous l'insulterez la machine, la traiterez d'humaine nature, d'enfant de catin émergeante ! De produit ! Mais tout bas, hein ! Parce qu'à cette heure ...

Baguenauder. C'est ainsi que va l'esprit à qui l'on a pas collé d'étiquette. C'est ainsi que fait l'homme sans prix. C'est ainsi que va le coeur qu'une empreinte profonde marque du sceau de l'inoubliable parfum du sang menstruel qui ce mois là, il y a presque dix-huit ans, n'est pas venu. L'odeur absente  du fer aux éfluves duquel se sont substitués les soupirs d'un enfant paisible encore. Comme un cochon j'essuie mes larmes de joie avec un torchon. Les mouchoirs sont fait pour se moucher et les torchoirs, pour pas rester trop longtemps embrenné. C'est ainsi que je vais, assis, en suspension, baguenaudant pour le plaisir, puisque à dormir on ne m'y prendra plus, de faire comme si je vivais. Je ne vis pas,  je me baguenaude, j'me bag'naude, j'am bag'naud, j'eum naguebaude. F'rait beau voir qu'on m'y empêche de déambuler al travers d'ce long couloir en pente douce. C'est ainsi que fait la langue quand elle sent bien qu'incorrecte elle s'affranchit d'avoir à se faire entendre de qui dort du sommeil des civilisations bien achevées. C'est ainsi que fait le petit coléoptère qui traverse innocent la surface de l'ordinatère. Ci fait, je me baguenaude et puisque sur le clavier je viens de trouver une touche qui fait point. Je m'en vais vous laisser là et suivre le coléoptère et sa lente progression de grand explorateur. 


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