Travailler dans un supermarché tôt le matin, à charger des marchandises, n’est pas sans risque. Placer les produits sur les étagères en fer expose nos mains à de multiples écorchures qu’on ne sent même plus, à la longue. Grimper sur les escabeaux, bien qu’extrêmement stables, peut potentiellement engendrer une chute à réception douloureuse. Tirer des palettes d’une demi tonne ou d’une tonne peut déplacer une vertèbre. L’utilisation d’un cutter peut provoquer des hémorragies digitales.
Moi, il m’arrive souvent des trucs très bêtes. Comme vous le savez, je bosse dans le rayon des boissons. Un matin alors que je m’appliquais à ranger correctement les packs de petites bouteilles de Volvic, j’ai failli mourir assomée. Oui ! ASSOMEE. Et pourtant, je suis d’un gabarit robuste, moi. Il restait une place et sur ma casquette (une casquette dans le jargon de supermarché n’est pas l’accessoire que l’on pose sur sa tête pour se protéger des rayons néfastes du soleil, mais la dernière étagère d’un rayon sur laquelle on laisse une partie de notre stock pour pouvoir recharger le rayon rapidement), il y avait un de ces packs qui attendaient là, tout seul, abandonné, ne demandant qu’une chose, être enfin acheté, espérant que chacune de ses petites bouteilles partageraient leur liquide avec de nombreuses sécrétions salivaires. Je m’égare au gorille. N’ayant pas d’escabeau sous la main, et sûre de ma capacité à jouer au gogo gadget au bras, telle l’inspectrice gadget des temps modernes, je tentai de l’attraper mais en vain. Je me souvins alors que j’avais deux pieds qui pouvaient me grandir, je m’en suis servi. Mon index arriva à choper le plastique du pack et je jubilais de l’avoir enfin dans mes mains. Quand soudain, le drame arriva. Mon index, peut être un peu trop crochu, perça le plastique et le pack complet se désintégra, éparpillant ses bouteilles. L’une d’entre elle vint violemment percuter mon visage et plus précisément mon œil droit. Je fus littéralement assommée, un peu chancelante. Un collègue, qui m’aidait à ce moment là, accourut affolé, car je titubais légèrement. Allais-je mourir de l’œil droit, comme ça, sur mon lieu de travail, injustement, hasardeusement ? Et bien non, je vous rassure, j’ai encore mes yeux, et ils sont deux ! Je n’ai eu qu’une toute petite trace violette discrète sur le coin de l’œil, qui fût légèrement douloureuse quelques jours, mais quand même ! J’aurais pu devenir borgne rien qu’à cause d’une vile petite bouteille de Volvic ! On ne sait jamais de quoi est capable une petite bouteille d’eau et je suis intimement convaincue que si j’avais eu la bouche grande ouverte, elle aurait tenté de m’étouffer, ou pire de me noyer !
Et parfois, nul besoin d’une bouteille de Volvic pour être en danger. Etre seulement maladroit est suffisant. Jeudi matin, alors que j’avais fini tout ce que j’avais à faire, je me suis dirigée vers le bureau de la direction pour y signer les bordereaux de livraison, ma signature prouvant que j’ai bien vérifié que tout ce qui est facturé est arrivé à destination et que j’ai relevé les anomalies. J’entre donc et au lieu de me pencher je décide de m’asseoir, histoire de ne pas me péter le dos à rester courbée par-dessus le bureau. La chaise roulante est juste derrière moi, je n’ai qu’à m’asseoir tranquillement. Mais mon tendre pied droit, ce petit farceur, a d’un pas léger poussé le pied roulant du siège qui s’est reculé au moment où je laissais gracieusement tomber mon cul en arrière. Je comprends tout à coup ce qu’est la gravité. Je sens mes fesses s’écraser sur le carrelage glacé, mon bras droit se comprimer sur le mur et ma tête se cogner dans une petite desserte de plastique. Je me retrouve les quatre fers en l’air, en me demandant ce qui venait de m’arriver. Quand je comprends, j’éclate de rire. D’abord parce que je suis ridicule, allongée là, les deux jambes en l’air, ensuite parce que je me dis que la scène vue de l’extérieur devait être drôlement hilarante. Personne, en plus, ne fût là pour admirer le spectacle acrobatique dont je venais d’être l’auteur malgré moi ! Et quand je l’ai raconté à mon patron, en lui quémandant ma facétie involontaire issue de la vidéo de surveillance du bureau, il m’annonça que cette partie là du bureau n’était pas soumise à la curiosité des caméras. Dommage, je suis sûre que j’aurais pu gagner du pognon en l’envoyant à Vidéo Gag ! Si on peut même plus monétiser ses propres maladresses …
Et pour ceux qui s’inquièteraient éventuellement des possibles séquelles dues à cette terrible chute, je suis suffisamment solide pour n’avoir aucune ecchymose. C’est que non seulement d’être solide, c’est bien rembourré, une wawaa !