Magazine Humeur

Red fruits

Publié le 22 février 2009 par Didier T.

 Stefan Brüggemann, BlackParfois, assez souvent même, du stress s’abat sur moi.
Je devrais arrêter d’écouter et de lire les informations : crise financière internationale, plans sociaux nationaux divers et variés (bien souvent de groupes qui gagnent encore beaucoup (trop) de fric), un syndicaliste mort à la Guadeloupe, une grève de la faim dans le hall de Libération, l’armée qui tire sur la foule à Madagascar, les Suisses qui s’inquiètent pour leur avenir, un père de treize ans qui a l’air d’en avoir huit en Angleterre, les créationnistes qui font fureur outre-atlantique, les Etats-Unis, en mal de puissance, qui pourraient finalement s’attaquer à l’Iran, Israël qui larguent des obus sur le sud-Liban qui tire des roquettes etc etc etc
Hier soir, samedi soir, le week-end, moment critique  de solitude  chez moi, je tournais en rond. J’ai tourné en rond jusqu’à deux heures du matin.
D’habitude dans ma rue, il y a des bruits de samedi soir. Hier rien. Le silence qui fait flipper. Pas de discussions débiles entre soiffards, pas d’engueulades de meufs pour un mec franchement pas terrible, pas de revendications politiques du genre « sarko, casse toi, pauvre con ». Le néant. Les gens n’ont ni les sous ni le courage d’aller se cuiter à l’Arsouille. 
Alors j’ai enfilé un jean, je me suis lavée les dents et je suis descendue chez l’épicier arabe. On y trouve toujours ce qu’on ne compte pas y trouver. Un boui boui réduit où j’ai déniché un assortiment de fruits rouges surgelés que j’ai acquis pour une somme modique. Je n’ai pas regardé la date de péremption.
J’ai laissé les fruits rouges décongelés en tournant encore en rond et puis j’ai sorti mon blender jaune. J’y ai mis tous les fruits rouges. J’ai oublié de bloquer le bouchon. Du jus, très rouge, s’est répandu partout sur le sol. On aurait dit que j’avais commis un crime de sang. J’ai nettoyé par terre. Et puis j’ai mis le couvercle du blender en place et j’ai mis l’appareil en marche. Sans doute à cause du bruit du moteur, la voisine allemande s’est réveillée. Elle a été faire pipi. J’ai mis la purée de fruits rouges dans une casserole. J’ai ajouté cinq cuillères à soupe de sucre roux. J’ai attendu que ça boue en touillant constamment. J’ai lavé puis essuyé délicatement un pot de confiture d’oranges vide. J’ai sorti une petite passoire. J’ai filtré la bouillie bouillante de fruits rouges. Oui, j’ai préparé un coulis et je peux vous dire que ça détend vachement. J’aurais pu lire un livre, j’aurais pu allumer la TV, j’aurais pu regarder un dvd, j’aurais pu finir de broder mon escargot, j’aurais pu faire du tricot, je n’aurais pas pu appeler mes parents ou une amie, je n’aurais pas pu aller aux urgences ni dans un Musée, ni au cinéma ; j’ai choisi la compagnie d’un coulis de fruits rouges. Quand le stress vous gagne, quand il se pointe sans crier gare, aucun être humain ne peut vous être d’un quelconque secours. La nuit, ils ne sont pas là, les autres. Il n’y a que les choses. Alors j’ai choisi les fruits rouges. C’est ce que j’ai trouvé de plus vivant. 
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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