Les gens de la génération de mes parents se souviennent tous de ce qu'ils faisaient quand ils ont appris l'assassinat de JFK. Ou quand le premier homme a (soi-disant) marché sur la lune.
Moi, je me souviens du 11 septembre 2001. Je me souviens d'avoir vu en direct, avec ma fille de 1 an, l'avion s'écraser dans la 2eme tour.
Je me souviens d'avoir appris en direct la mort de Lady Di après avoir passé une nuit complète à revoir les images de l'accident.
Je me souviens de la disparition de JFK jr.
Je me souviens de la chute du mur de Berlin.
Je me souviens aussi, même si j'étais très jeune, de la mort de Gilles Villeneuve.
Je vous jure que je me souviens aussi d'avoir regardé brûler le pavillon des États-Unis de l'expo 67 (la grosse boule de métal) de la fenêtre du salon où j'habitais de l'autre côté du fleuve et j'avais seulement 2 ans.
Et évidemment, je me souviens du 6 décembre 1989. Polytechnique.
J'étais étudiante au Cégep, je pouvais compter les mois avant mon entrée à l'université. Ce soir-là, je gardais deux petites filles. Près de chez moi. À quelques kilomètres seulement de la Polytechnique. Si près et si loin en même temps.
Le film est percutant. D'abord, le choix du noir et blanc est un coup de maître. L'accent est mis sur la sobriété. Sur l'événement et non le tueur. Sur le drame et non la boucherie. J'avais littéralement la bouche sèche et le coeur qui battait la chamade quand il est entré dans la classe. L'angoisse est toujours à son paroxisme quand on sait ce qui s'en vient.
Trouvez-moi UN SEUL gars qui pourrait affirmer aujourd'hui sans mentir qu'il serait resté ou retourné dans la classe. Jamais. Parce qu'ultimement, chacun veut sauver sa peau. C'est normal. Ne condamnons pas les gens qui ont voulu survivre.
Et c'est quoi, la controverse? Pourquoi on ne voudrait pas se souvenir et rendre hommage aux victimes? Pourquoi on n'en profiterait pas pour se souvenir de la chance inouie qu'on a d'avoir l'opportunité d'étudier ce qu'on veut? De faire ce qu'on veut de notre vie? Que malgré ce détraqué, les femmes ont montré de quoi elles étaient faites en choisissant d'aller en génie. En n'abandonnant pas. Et nous, celles qui suivent, nous souviendrons toute notre vie. Que quelques mois nous séparaient de la même situation. Que le malheur s'est acharné sur d'autres que nous. Que nous avons eu une sacrée chance.
Que malheureusement encore, la femme gêne et dérange. Mais qu'elle continuera de se battre et de prendre sa place. Qu'elle ne pliera pas devant l'intimidation.
Et pour nos enfants, nos filles surtout, on se souviendra.