Magazine Journal intime

L'art Mord

Publié le 24 février 2009 par Lephauste

Je cherchais, je tournais, je virais, j'arpentais la soupente, je pestais, je protestais, je griffonnais, j'assemblais, je conceptualisais, je traçais, j'imaginais pour les temps futurs, je prophétisais de vraies catastrophes, des embellies de sang frais, je me défonçais, je picolais, m'ivrognais, narcissais le tableau mais rien ne venait. Rien. En un mot je faisais de l'art ! J'étais un artiste, je créais ! Dieu lavait mes brosses, nétoyait l'atelier, faisait les vitres immenses du loft et répondait au téléfaune, aussi :

- Non madame, monsieur est sortis ! Non monsieur est en procesus incessant en ce moment ... Non ! on ne peut pas le déranger. Oui madame, il est Dieu sait où ! ... Je lui dirais madame !

J'étais sur le point de tout mettre à bas, des années de recherche, un projet unique ! Moi ! Et puis Dieu, qui quoi qu'on en pense, a son pragmatisme pas loin de l'auréole m'a rappelé à mes obligations :

- Il me semble bon de dire à monsieur que le terme approche, que cela fait quinze jours que les petits oiseaux n'ont plus de margarine, que le trésor public n'attend plus que les contributions de monsieur pour relancer la consommation et que si j'en juge, c'est un peu mon boulot, que monsieur me pardonne, nous ne mangeons plus que des pâtes. Et je ne dirai rien de mes gages, le denier du culte est à sec monsieur !

Mais que faire ? Rien ne venait. Moi pourtant, en voilà un sujet ! Moi ma vie mes expériences, la poésie ! Ah la poésie ! Ces vers inestimables, ces quatrains rutilant comme une DS 23 sous la Lune. Ce lyrisme que le fils de la concièrge m'enviait en conduisant sa BMW sur les champs élyséens de la phinances ... Je n'étais pas sérieux à dix-sept ans. Je n'étais pas sérieux à Vingt-Sept ans. Je n'étais pas sérieux à Trente-Sept ans. A quarante-Sept je devenais grave et après si ... Je n'arrivais pas à sortir de ce Moi, mon sublime, ne serait-ce que mettons, cent pages, gravées sur un CD double-coated ...

- Deux cent monsieur ! Dieu avait la calculette aussi près de l'auréole que l'écureuil l'avait dans le cul !

... Je pouvais aller me faire voir chez les Parques et jardins. Pourtant amis artistes, mes frères, mes soeurs, je peux jurer qu'à la fin des banquets de mon enfance nul ne m'a demandé de réciter quelques vers que ce soit, que je n'ai pas connu enfant, la joie trompeuse des compliments aterrés, après avoir massacré en tremblant la fin des "feuilles mortes". Qu'au grand jamais, mes parents n'ont rêvé pour moi d'une carrière dans l'art. Dans la fleur ! Mon père disait. Je serai cuisinier ! Je l'aimais.

C'est peut-être bien parce que les fleurs me gerçaient les mains et qu'à gâter les sauces je m'entendais mieux que bien qu'il m'est venu à l'esprit de doigter la muse afin qu'elle chante sous ma plume ces vers inoubliables, cette poésie pleine de Moi que la fille de la bouchère m'enviait tant en partant à toute allure avec le fils de la concièrge.

Gensses de bien qui avez moutards et pisseuses, inquiétez-vous quand ils s'enferment à double tours dans leur chambre, désoeuvrés, que ne leur viennent  à l'esprit de prendre un stylographe, une guitare, un pinceau, un burin et de se regarder au plus profond du miroir de l'armoire à glaces, dans la posture acnéïque du génie ténébreux. Aidez les à s'engager plutôt dans la police, l'humanitaire, les rangs des armées de la paix, le caritatif, les ordres, le commerce de gros, la politique même ! Il y a assez d'intermittents comme cela, vous ne trouvez pas ?

Bon c'est pas tout ça mais le terme n'attends pas et Dieu en a marre des nouilles :

" Alors que je descendais des flacons pas possibles, soudain ... Je ne me sentis plus guider par les râleurs ! Des gars z'à la peaux-rouge les avaient pris au slip ! Les ayant pincés nus haut-Poitou, en couleurs "


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